Daniel Dark + Vampire Weekend + Sharon Jones + Cavalera Conspiracy + Grinderman + Red Sparowes + Fucked Up (les Eurockéénnes de Belfort. Samedi) Pas très loin de Belfort 5 juillet 2008

 Dans Chroniques de concert

 

Samedi

Je me réveille trempé de sueur. Le froid de la nuit a fait place à la chaleur du soleil. Et il chauffe, le salaud. La sueur tombe en perles du plafond de toile.Il est dix heures. Debout les campeurs, et haut les cœurs, c’est le second jour du festival ! Je jaillis hors de la tente pour trouver de l’air.

 

On passe l’après midi en plein cagnard, et on s’épuise à boire. On fume des kilos de clopes d’origine diverses. Vers 15h, les premiers coups de soleil s’étalent sur les torses nus. Les bobs ricards fondent comme de vieux flans. Nous sommes des fourmis qui grillent sous une loupe.
Le Norvégien arrive avec sa compagnie alors qu’on s’apprête à partir. Retrouvailles émouvantes dans le campement. Laissez-moi vous parler de lui quelques instants, avant d’attaquer la chronique.

Tel Neal Cassady, Le Norvégien est un Personnage. Connu pour roder dans les clubs marseillais, il aime traîner sa carcasse dans les concerts et les pubs. Il mesure 2m53. Porte un béret ainsi qu’une barbe d’or aux reflets orange. Chante et boit beaucoup. Nombreux sont ceux qui se souviennent de lui et de nombreuses légendes urbaines rapportent ses exploits. Sachez que le Norvégien est ce que l’on nomme communément un extraordinaire fêtard. De ceux qui laisse régulièrement leurs traces dans l’Histoire du rock. Il a éclaté la face de Jack White pendant une querelle de saloon. Il a fait s’écrouler une salle de concert en tapant sur les murs avec une béquille. Il a chanté « no fun », tout nu avec Iggy Pop, etc. etc. Bref, le Norvégien est un ami idéal.

 

 

Le Norvégien en pleine action

 

On prend la navette avec sa clique rigolarde. On arrive pour le dernier quart d’heure de Daniel Darc, sous le chapiteau.

Une nouvelle fois, milles excuses, je ne connais le Dark que de nom (oui, je vis dans une grotte). Une fois, j’ai lu une interview de lui dans un magazine de merde dont je tairais le nom.
« Pourquoi avez-vous mis 2 ans à sortir un nouvel album ? » demandait le journaliste.
« Parce qu’il m’a fallu 2 ans pour sortir de ma dépression. » répondait le drille du tac au tac.
Ça situe le bonhomme.
Je m’imaginais donc la chose comme molle et maladive, malgré les exclamations du Norvégien qui me soutenait sur le chemin qu’on avait rien entendu de mieux depuis Gainsbourg.

Sa stature de viking nous permet de s’approcher assez près du bonhomme, qui est en train de caracoler sur du rock brutal. Instantanément je trouve ça plutôt cool.
Daniel Darc en à certainement beaucoup chié dans la vie. Le poids des fardeaux a voûté ses épaules, et son regard semble sonder de longs tunnels noirs. J’accroche aussi à l’ironie du gars.
« Cette chanson sert à payer mon loyer » annonce-t’il. Au moins un qui garde la tête sur les épaules !
La foule compacte, faisant fi de ces commentaires acerbes, pogotte plus ou moins. Souvent, quand la musique est bonne (bonne, bonne), et que les gens sentent ce fameux « je-ne-sais-quoi » leur transpercer la poitrine, ils sont pétrifiés par l’événement. Pas besoin de sauter partout pour exprimer la compréhension que l’on a pour l’artiste. Un simple dodelinement de la tête suffit.
Sauf dans le cas du Norvégien exalté, qui rebondit comme un ressort en dressant le poing.

 

Le son de Daniel Darc est puissant. Les riffs de guitares se font botter le cul par le rythme binaire et primal. Du droit au but. Pan dans ta face. Les accords évoquent la course d’un type poursuivit par une meute de chiens.
Ce qui me fascine aussi, ce sont les tatouages. Un de ses bras est entièrement noir, révélant une croix chrétienne en négatif. Quelle est la véritable couleur de Daniel Darc ? Noir encre ou blanc salvation ?
Une dernière prière et c’est la fin du set. Acclamations. Réclamations. Retour de Dannie Darko. Il entame « redemption song » à cappella. Et même sans musique, on sent la révolte du reggae. Évidemment on se marre en douce, parce que quand un chanteur français chante en anglais ça fait toujours un « Ouainouainagainflaillagain. » pas très crédible. Mais l’émotion est là, et c’est bien l’essentiel. Je quitte le chapiteau, gonflé à bloc pour la suite de la soirée.

On décide d’aller voleter du côté de Vampire Weekend, qui jouent sur la plage. Hélas, l’espace sablé est déjà submergé de monde. On se rapproche du mieux qu’on peut et on écoute d’une oreille attentive.
C’est assez triste à dire, mais les suceurs de fin de semaine n’auront pas réussi à me magnétiser. D’une part parce qu’il était difficile, vu notre position, de se mettre bien dans le concert, et d’autre part, parce qu’après une écoute préalable dans le véhicule qui nous emmenait au festival, je partais avec des a priori pas super favorable.
Le groupe ne m’a pas convaincu. Le petit son lo-fi du skeud se retranscrit mal sur scène. Le délire afro-beat reste peu exploité, et c’est la dernière fois que je fais confiance à un *bip* de magazine musical à la *bip* pour choisir une galette.

On se pose à la buvette. Je roule un emblématique gros pétard qui se met rapidement à tourner dans le cercle des compatriotes provençaux. Des nuées de spectateurs indécis virevoltent de tout coté. Untel cherche des bières, Chose roti au soleil sur un coin de gazon pas encore piétiné, Truc blague avec Bidule et Machin sur le chemin de Midnight Juggernauts, Chaipaki hurle au téléphone (difficile d’entendre avec le grondement des voix et de la musique tout autour, sans compter le réseau taquin qui prend plaisir à capter aléatoirement), Les arbres gras de chlorophylle dansent en silence, l’air du lac colle un goût de frais sur la peau. Il fait beau. Il fait chaud. C’est bientôt 19h.

 

Le Norvégien me conseille vivement d’assister au concert de Sharon Jones. Connaissant son mythique déhanché funk (une danse pourtant pas très courue dans les fjords) et ses goûts sur, je me rallie tout de suite à sa cause. Je lui emboîte le pas jusqu’ (encore) au chapiteau. La foule est déjà de nombreuse et une foule de visiteurs a posé ses fesses sur l’herbe ombragé qui jouxte le lieu.
On parvient à se poser prés de la scène, côté cour et on attend.
Je décide de passer en mode lunette noire pour ce gig.

Ouais mec, le mode lunette noire c’est quand tu deviens trop cool pour le reste du monde tu vois ? Derrière les verres fumés se cache un mystère indéfinissable, et tu peux marcher en chaloupant comme un navire roublard. Une clope au bec accentuera l’effet, et tes pas de danses ne se dépareront jamais d’une certaine classe. Exactement c’qui faut pour Sharon Jones, mec.

Une formation soul funk qui semble provenir d’un autre temps. Costards impeccables, pas en avant puis en arrière, cous de funky chicken. Les musiciens affiche une bonne ressemblance avec les respectables Funk Brothers dans leur jeune temps.
La groove machine est parfaitement huilée, et on peut aisément rouler ses fesses sur le tempo. C’est frais, joyeux et entraînant. Le devant de la scène se transforme en dancefloor étouffant. On place nos passes avec sang-froid et attitude.
Après quelques morceaux, Sharon Jones déboule en frétillant, excitée comme une pile électrique, dans une robe blanche à la coupe sixties. Elle donne de son corps et de sa voix sans retenue, ce qui, vu son gabarit force le respect.
Elle invite un spectateur sur scène, et les deux se livre à une parfaite parade nuptiale. Je suis heureusement surpris de voir l’invité imprévu jouer le jeu avec beaucoup de feeling, sans débordement déplacé.

Je quitte le chapiteau un peu avant la fin du set, pour retrouver ma blonde. Après un long jeu de piste par sms qui me feront arpenter l’amphithéâtre naturel de la Grande Scène, je tombe enfin sur elle. On se place stratégiquement en plein milieu de la foule, ni trop près, ni trop loin, et on patiente pour les frangins Cavalera.

 

 

Ah ! Cavalera Conspiracy ! Combien de temps nous aura t’il fallu, pauvres trasheurs que nous sommes, pour enfin revoir la fraternité brésilienne se rabibocher ? Evidemment, ce n’est pas Sepultura au grand complet, mais, sous mon t-shirt Cannibal Corpse (ami du bon goût bonjour), mon petit cœur se pince d’émotion. Et également d’appréhension.
Une cohorte de chevelus s’agglutine, portant souvent les blasons des groupes de mon adolescence.
Les bourrins en chef déboulent et envoie la purée d’entrée. Sur les premiers titres, on se reçoit une sorte de neo brutal death metal (aah le metal, un genre qui aime les etiquettes à rallonge) qui ne sort pas vraiment du lot de la myriades de groupes producteurs de son gras.
Malgré tout, la franche bonne humeur de Max Cavalera et son plaisir de se retrouver en terrain conquis répand une chaleureuse euphorie dans les rangs. Et quand le duo infernal attaque ses vieux tubes, « dead embryonic cell » et consort, le headbanging antipelliculaire reprend enfin ses droits.
Igor et Grishka… Merde, pardon, Max, sont entourés d’un bassiste barbu satanique et d’un gratteur solo typiquement hardcore. Rasé, habillé en para, balaise, il place quelques high kicks digne de notre tapeur d’Outre-Quiévrain, l’inénarrable JCVD.
Je tente une percée solitaire dans le pit, mais je m’arrête à ses portes. On jurerait voir les armées du Mordor ! Trolls et orcs marrons s’en mettent plein la poire dans la gadoue, il ne leurs manque plus que des armes pour ressembler définitivement à une horde démoniaque en phase pillage de ville (heureusement non !)
La foule entière se transforme en immense vague pogotante quand le combo entame « roots, bloody, roots », l’ultime morceau du set. Entre temps, on aura également eu droit à un featuring vocal du beau-frère de Max ( ?!) ainsi qu’au remplacement du batteur par un jeune Cavalera (pas plus de douze ans !) pour un morceau de death bien primaire.

Leur forfait accompli, le gang se retire, les metalleux se dispersent, et ma chère et tendre se précipite vers la scène pour s’accrocher fermement à la barrière. Est il besoin de souligner qu’elle porte (divinement, cela va sans dire) un slip Grinderman par-dessus son pantalon ?

Pendant ce temps, je pars me balader sur le site, en vociférant comme Chris Barnes.
Comme ni Phoebe Killdeer ni Pulpalicious ne me tente vraiment, j’échoue en haut de la butte, où je trouve quelques amis posés là. Je me prépare mentalement à la tempête Nick Cave en roulant un modeste 33 feuilles.
C’est qu’il faut être près pour encaisser la lame de fond moustachue. Son précédent concert (avec les Bad Seeds au Dock des Suds), avait piétiné mon innocence par son intensité, malgré un son parfois bof. Je rechausse mes lunettes en vue d’un combat de coolitude avec le Nick (même si je n’ai absolument aucune chance de le vaincre, évidemment).
Pas moyen de rejoindre ma douce, encerclé par trois murailles de spectateurs. Elle, bien devant, bien dans l’axe, trépigne d’impatience.
Un tonnerre de hourras parcours l’audience à l’arrivée des musiciens, suivi d’un éclair d’excitation presque insoutenable. Nick débaroule. Nouveau coup de tonnerre. La weed commence à monter. C’est l’hallali.
Tous sapés comme des papes clinquants, les 4 de Grinderman produise un rock sexuel, libidineux, malsain. Un parfait écrin pour les paroles de Nick Cave, qui les psalmodie sur de démoniaques boucles de guitares saturées.
Dans la foule, la moiteur torride commence à nous asphyxier. On est serré comme des sardines. Le Norvégien est en transe, et crée un cratère autour de lui.

 

Je suis stupéfait par le rémouleur principal. Paralysé par la subversivité qu’il dégage. Les gens sont tendus, agressifs. Lui les regarde avec l’autorité d’un dévot psychopathe. Le moindre accroc et ça par en baston générale me répète mon cerveau en bad trip. Rah mais qu’est ce que c’est bon ! Je marque le rythme avec un index tendu vers le ciel. Les copains autour me saisissent, on se bouscule, on beugle de bonheur.
Warren Ellis est proprement effrayant, mais il est difficile de s’en détourner. Son violon se perd dans sa barbe immonde de vieux rat. Il danse lascivement tel un dangereux derviche, des flammes infernales dans les yeux. Antique sorcier russe, on le croirait sortit de quelques maléfiques films muets. On songe au Golem, au Docteur Caligari, à toutes ses bobines au grain surnaturel qui remontent à la nuit des temps du cinéma.
J’essaye avec difficulté de rejoindre ma bien aimée dans la fureur environnante, mais le boss final, un gros Bill bien énervé, m’empêche de l’ étreindre. Quand j’arrive finalement à l’embrasser, c’est un autre empêcheur de tourner en rond qui s’amène. Il veut absolument l’arracher de sa barrière, fort peu poliment, pour s’y mettre avec sa rombière à lui. L’ambiance est poisseuse. Les lumières violentes et indécentes. Les gens sont bourrés, raides défoncés, pas bien dans leurs têtes. Ce con n’arrête pas de l’emmerder, de la toucher.Le son crade appuie encore un peu plus sur nos nerfs, imprime au pistolet à clou les notes dans nos oreilles saignantes. Il hurle des trucs inaudibles et revient à la charge. Ça devient trop chaud. Nick ondule du bassin, fout la merde. Impossible de le regarder et de profiter pendant que le lourd de service fait son sketch. Le pit bouillonne. J’en peux plus. Je lui colle un ‘accidentel’ coup de coude dans le naseau.
Le type vacille, le Norvégien l’éjecte de sa solide épaule. On peut se remettre dedans.
Je prends conscience que la musique de Grinderman est comparable a un homme se masturbant. N’est-il pas en train de chanter « I’ve got the no pussy blues ? »
Le plaisir monte lentement, sûrement, implacablement. La sève se rapproche de la lumière et plus elle se rapproche, plus on attend la libération avec impatience, jusqu’à ce qu’on ne puisse plus tenir du tout.
C’est à ce moment que mes yeux se pose sur le dos de ma copine. Et y a un truc qui me chiffonne. Pourquoi est-ce que je distingue si bien la marque de ses bretelles de bikini sur son bronzage ?

« Oh mon dieu ! »

Quelques nuages parcourent tranquillement la nuit, et Nick Cave chante pour ma copine qui vient d’enlever son T-shirt.

Le feu d’artifice explose. La musique explose. La foule explose. Je me fais asperger d’eau (bonjour la symbolique !) et aussitôt après, je suis expulsé illico par l’onde de choc du pogo, malgré les fraternelles tentatives du Norvégien pour me rattraper.
Je me retrouve complètement sonné sur le coté de la scène. Il faut que je m’asseye. Nick Cave en génial meneur de troupe, fait taire la foule, la caresse, la manipule, chante le no pussy blues.
Moi, je ne sais pas si je dois flipper ou me laisser envahir par la béatitude de cet instant. Qu’est ce qui se passe ? Seigneur, ses seins nus qui s’agitent ! Qu’est ce qui a se passer ? Angoisse. Scénarios catastrophes.
Loin devant, le T-shirt tournoie au bout du bras de ma dulcinée, la mauvaise graine lance son regard de puit droit dans le sien. Il n’y a plus qu’eux deux dans le rayon de lumière blanche.

« Ca fait plaisir de voir ça ! » dit Nick Cave (ou quelque chose du genre)

Ca se mélange dans ma tete. J’arrete pas de me faire des films. Je prend le parti de me faire du mouron, tout en sirotant le rappel, un « tupelo » immense, qui me permet de jeter simultanément des regards désespérés dans tout les recoins de la Grande Scène.

Je retrouve avec soulagement ma belle à la fin de la messe, toute heureuse de son exploit. Je la félicite chaleureusement. Et je ne la lâche plus.

 

Elle me suggère avec insistance d’aller voir les Red Sparowes, ce que nous faisons. À l’entrée de la Loggia, on croise Philippe (Oui ! celui là même qui arpente les salles marseillaises avec une opiniâtreté de scribe pour les retranscrire avec amour dans ces pages.) et on discute avec enthousiasme de la performance de Grinderman.

NdPh voir ma chronique de ce concert par ailleurs et euh, sans copine torse nue (hélas)…

Les Moineaux Rouges tombent à pic. Après l’éreintant concert précédent, leur musique apaisante est parfaite. Moelleuse comme du coton. C’est l’occasion de s’asseoir et de planer tranquillement, tout en regardant les autres déchirés tout autour de nous (j’ai noté dans mon carnet qu’il ressemblait à des cow-boys à guirlande, mais je ne sais plus du tout pourquoi. Faut que j’arrête avec les comparaisons avec les cow-boys.)
Concert difficile à se remémorer avec toutes ses émotions. Souvenirs de longues plages mélancoliques, s’écrasant les unes sur les autres tel le remous des vagues. Écume métallique. Très bon en tout cas. On déguste de bout en bout.

Sur le chemin du retour, on s’arrette à l’orée du club DeVille, juste au moment ou la gélatineuse baleine chantante de Fucked Up slamme dans la fosse. J’espère qu’il n’y a pas eu de morts. Ce punk rock aux réminiscences d’Andrew W.K installe une rigolarde ambiance propre à combler n’importe quel gaulois amateur de stage diving groupé. L’envie d’en découdre ne me manque pas, mais c’est plus qu’il ne m’en faut pour ce soir (et surtout, je suis une grosse brêle !). On rentre donc.

Le camping est en fusion. La fête est en train de se chamaniser. On se carapate dans la tente. Les tambours furibarbarbes de la tribu locale sont encore plus frénétiques que la veille, et, tard dans la nuit, il me semble entendre des chants d’indiens Hopi.

Je ne sais pas trop si je m’endors.

 

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