Feuilleton à l’arrache 343 – épisode 15 FINAL !

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(résumé : meurtre crapuleux à Roquefort-la-Bédoule. Un péripatéticien s’est fait dévorer tout cru par ce qui ressemble bien au pire cauchemar de l’inspecteur Fergusson : des cuys, les cochons d’indes péruviens ! Après une descente chez le zoophile local, le père Fourmoi, le policier a ramené des tas de rongeurs, ainsi qu’un début de piste. Apparemment, il se passe des choses au château…)

Le poste de police s’était transformé en animalerie spécialisée dans les nouveaux animaux de compagnie. Des bataillons de gerbilles paradaient dans les couloirs, les lapins copulaient dans les placards, les rats et les souris gambadaient partout ou l’œil se posait. Quant aux cochons d’indes, il y en avait une demi-douzaine sur le bureau de l’agent Canine, en train de mâchouiller des dossiers, ou de ne rien faire (les cobayes, pas l’agent). Parmi ceux-la, il y en avait un qui avait élu domicile sur le clavier de l’ordinateur du policier, et ce petit matelas en plastique semblait très bien lui convenir. Le pauvre homme essayait de trouver une place à ses doigts, pour taper son rapport, mais en vain. Il n’osait pas toucher la bête, de peur de déchaîner les groupuscules anti-violence animale.

-Circulez s’il vous plait, allez, pshh pshhh, disait-il d’une faible voix maraichaussère.

Fergusson, qui venait d’entrer, prit le truc géneur à pleine main. La tête et l’arrière-train de la bête gonflèrent subitement sous la pression, générant un bruit trivial de jouet couineur en caoutchouc. Souple comme un joueur de chistera, l’inspecteur envoya bouler la boule de poil dans un tas de lapins, qui s’empressèrent de la besogner.

-Pardon chef, le contrevenant refusait d’obtempérer.

-Ne soyez pas si chochotte, Canine. Faut savoir s’imposer, dans la vie.

-Nom d’un corn-flake lacté, chef, vous m’arrachez les yeux !

-Quoi ? Vous délirez ? C’était très à la mode dans les années quatre vingt-dix !

Le costume que portait Fergusson n’était pas à la mode dans les années quatre vingt-dix, ou peut- être l’avait-il été juste un jour, le vendredi 23 juin, entre seize heure et seize heure cinq. Cet immonde costume à jabot était si fluorescent, si violet, si flashy, si cosbyque (nda : digne du Cosby Show), que l’inspecteur ressemblait à un tube à néon. Il irradiait si fort que les petits lapins, gerbilles, rats, souris, et cochons d’inde portaient maintenant tous de minuscules lunettes de soleil.

-Pourquoi vous vous êtes fringué comme ça, chef ? Il fait encore jour.


-Quand on va voir un aristo, il faut toujours être sapé comme jamais, n’est-ce pas ? Je file au château de Baisenville. Ce marquis cache surement quelque chose.

-Je viens avec vous chef ?

-Non. Vous, vous restez à chercher les cuys dans ce tas de bestioles kikinette. Je crois que celle que je viens de balancer en était un. Au boulot, donc, vous n’êtes pas payé pour vous gratter les couilles.


-Pour me gratter les cuys ?

-Non, les couilles ! Aaaarh, vous ne pigez jamais rien. Bon, je file, je prend ma voiture.

-Ok, chef.

Le brillant flic monta dans son char, une Opel Torino noire et fauve, et fit chauffer la gomme. Le bolide prit immédiatement la direction du château, qu’on voyait dans le paysage, sur une bosse de terre pelée, à une dizaine de kilomètres du centre-ville.

Le château de Baisenville avait la forme d’un attaché-case. C’était un gros rectangle plein de  fenestrons, sans place pour se cacher, avec quatre donjons. Une forêt de pins, étrangement dense pour la région, la cernait de près. Quand la voiture passa le portail de la propriété, la nuit était tombée, et il faisait si noir qu’aucune étoile ne se voyaient. Ça sentait les cuys à plein nez.

Les fenêtres néo-classiques de la bâtisse étaient allumées. Son imposante façade la faisait ressembler à un train fantôme pour friqués perruqués. Au sommet d’un volée de marche, qu’observait des statue de femmes et de cuys à poils taillés dans le marbre, Fergusson tira sur l’énorme chevillette.

*CUYS-CUYS*

La porte d’entrée pivota sur ses gonds, lentement, et, comme un tombeau ancien s’ouvrant sur un trésor, s’ouvrit sur un hall lustré, d’un luxe indécent pour le contribuable moyen. Des personnes en culottes et spandex de l’ancien régime passaient, de ci, de là, seules ou en groupes de plusieurs personnes, montant et descendant un imposant escalier. De la main, elle portaient des loups, ce qui signalait l’activité d’une fête en cours. Voila ce que Fergusson observait par dessus le crane poudré de pellicules du laquais qui venait de lui ouvrir.

-Qui dois-je annoncer ?


-Police Nationale de Roquefort-la-Bédoule, inspecteur Fergusson, voici ma plaque. Je voudrais parler au marquis.

-Le marquis de Baisenville baise en chambre à l’heure actuelle, monsieur. Je dois vous demander de revenir plus tard.

L’inspecteur claqua la truffe du domestique sans prévenir, cabossant ce dernier, qui s’effondra le nez en sang sur les pieds de Fergusson.

-‘Tention les chaussures.


Il entra, et aussitôt, tous les regards dévièrent vers lui.

-Regardez, c’est lui ! lança une voix dans la foule

-Qui ça, répondit une autre ?

-C’est le Roy, le Roy Soleil !

-Il est revenu !

La luminescence ninety-ringarde du costume du policier était si forte, qu’en effet, le représentant des forces de l’ordre, au milieu de tout ce clinquant, de ces lustres, et de ces dorures, brillait de milles feux comme une boule disco géante. La ressemblance avec le puissant monarque était éblouissante, aveuglante. Aussitôt, les courtisans et les larbins se courbèrent respectueusement, tandis qu’on entendait crier à plein poumons une voix affolée.

-Messsssiiiiiiiiiiiiiiree ! Le Roy, le Roy est ici !!!

Il y eu des clameurs étouffées au loin, puis le bruit de choses lourdes qu’on traîne. Une porte claqua, puis des pas pressés se rapprochèrent.

Apparu le marquis, exactement comme on l’attendait : avec chemise et sans pantalon. Par des gestes tendus, il fit taire les chuchotements qui traînaient. Ses yeux chassieux s’écarquillèrent, malgré la lueur technotronique, et tout de suite, il fit une profonde révérence, qui le ramollit un peu. Il s’avança à bras ouvert vers Fergusson, qu’il prenait encore pour sa majesté.

-Votre Sublimité, vous êtes là, quel honneur pour l’humble libertin que je suis !

L’occasion était trop belle pour l’inspecteur, qui se tint silencieux. Sous l’identité d’un monarque, il allait pouvoir enquêter comme bon lui semblait, et profiter de son droit divin, tant que sa couverture ne serait pas révélée.

-Hum, oui, nous sommes là, dit Fergusson en essayant de prendre la pose la plus royale possible, et  ce voyage depuis Versaille nous a épuisé. Nous aimerions collationner.

-Mais tout de suite votre majesté, tout de suite ! Que l’on dresse la table pour le Roy, vite ! s’empressa d’aboyer l’aristo en tapant dans ses mains.

Aussitôt tout ce que le hall comptait de servants commença à s’agiter dans tous les sens, ainsi que l’assemblée des fêtards. On guida le roi Fergusson jusqu’à la salle à manger, qui était aussi grande que l’entrée. La table au centre de la pièce devait être longue comme deux pistes de curling mises bout à bout. On fit siéger l’inspecteur à la place d’honneur, et le bal des plats se mit en branle, à l’instar du marquis, assis juste à la droite de son invité de marque. Les pâté de lapins farcis aux truffes se succédèrent avec les cygnes rôtis, et la confiture d’épluchure de saucisson, puis, après moult baffreries éructatoires, on en arriva au café. Le marquis, qui avait surtout parlé du temps qu’il faisait, et de la politique du gouvernement, sans se départir de son sourire libidineux, pris soudain un ton plus sérieux.

-Aimez vous le cuy, Votre Altesse ?

-Gloups ! s’étrangla Fergusson avec le macaron qu’il était en train d’avaler. Le cuy ? Ehm, de quel cuy parlez vous ?

-Mais des cuys bien sur, les petits cuys bien fermes et bien rebondis. J’adore les histoires de cuys, savez-vous pourquoi ? Parcequ’ elles sont toutes differentes ! Il y en a autant qu’il y a de cuys : les petits cuys, les gros cuys, les cuys plats, les cuys ronds, les cuys fermes, les cuys flasques, les cuys potelés, les cuys flétris, les cuys en bombe…

 

Le marquis était un véritable obsédé du cuy. Cependant que l’inspecteur se faisait la remarque, il remarqua aussi que quelque chose d’étrange se produisait. Les convives changeaient d’aspects. Leurs visages se déformaient lentement, leurs yeux devenaient d’énormes billes se remplissant de chocolat, leurs nez s’aplatissaient ; leurs lèvres supérieures se fendaient, et deux grosses incisives grossissaient dans cet écartement. Celui-ci gigotait, au rythme de leurs mastications devenues maintenant trépidantes, les parties visibles de leurs corps se recouvraient d’une toison beige ou blanche. Ils ressemblaient à des cuys. Mais horreur ! Ce n’était pas qu’une vue de l’esprit de Fergusson, ces personnes s’étaient vraiment changées en cuys ! Des cuys qui riaient, des cuys qui couinaient les uns sur les autres, des cuys qui sautaient, des cuys qui prenaient des positions ambiguës, tous engoncés dans des costumes prout-prout, un loup à la main.

Le policier se frotta les yeux, mais il ne rêvait pas. Même le marquis avait pris l’aspect d’un cuy racé blindé. Soudain, il se sentit partir. Le tournis et la nausée twistaient dans son cerveau et dans ses entrailles. La sueur au front, il comprenait, mais trop tard, qu’on avait sûrement…

-Drogué sa nourriture ! Et oui, cher inspecteur, me pensiez-vous assez inculte pour ne pas reconnaître un costume ninety-ringard quand j’en vois un ? dit le marquis avant d’éclater d’un rire de folle sadique. Le pauvre flic eu l’impression de se noyer dans du pétrole…

 

Quand il reprit connaissance, Fergusson constata que la salle à manger avait disparu. A sa place, il se trouvait allongé sur un brancard de roseaux, lui même posé sur un bloc de granit, dans ce qu’il sentait être une grande pièce pleine de courant d’air, éclairée par des torches. Il essaya de se redresser, en vain. Il était solidement ligoté. Tournant la tête du mieux qu’il pouvait, il ne put contenir un cri d’effroi. Mais celui-ci resta contenu quand même : un bâillon recouvrait sa bouche. Or, l’endroit était jonché de cuys ! Les mêmes cuys hallucinogènes qui avaient décimé son escouade, autrefois, et Jeannot le travelo dernièrement, ça ne faisait plus aucun doute. Les machins rondouillards gambadaient sans peur et sans complexe, leurs bouilles ahuries contemplant l’inspecteur , qui se tortillait comme un ver en essayant désespérément de se dégager.

-Economisez donc vos forces, pauvre asticot.

C’était la voix du marquis, dont le visage vicieux entra dans le champ de vision de l’infortuné héros. Fergusson tremblait : il savait que dans cette fâcheuse posture, il ne pourrait pas échapper au monologue du méchant, et il détestait ça.

-Bienvenu dans les profondeurs du château de Baisenville, cher inspecteur. Vous êtes un des rares non-initiés à avoir le privilège de voir cet endroit. Savez-vous ce que c’est ? C’est la Mecque du Cuy !Le Memphis du Cuy, le salon permanent du cuy ! Le lieu le plus sacré pour les adorateurs du cuy. Vous pensiez que l’origine du cuy était le Pérou ?  Ha ! En vérité, c’est d’ici qu’est originaire le culte de Touchatoncuyzacoatl, et ma famille est la gardienne de ces lieux depuis des générations. C’est d’ici que nous contrôlons le trafic mondial des cuys. C’est moi, l’armateur du Bourguiñon. L’autre jour, quelques uns de nos pensionnaires se sont échappés, et se sont repus du prostitué mâle qui officiait sur la départementale. Un accident ballot. J’ai tout de suite su que vous viendriez fourrer votre nez dans les parages, avec votre passif, et vous voilà… Mais assez parlé. L’abominable tâcheron qui écrit cette histoire débile est obligé de boucler son feuilleton à l’arrache, et comme c’est un fainéant, il a trouvé un moyen vite-fait-bien-fait de torcher son intrigue : nous allons vous livrer au… TROU DU CUY !!!

Le marquis éclata d’un de ces rires malfaisant dont il avait le secret, puis, saisissant brutalement la tête du policier, le força à regarder son destin en face : à plusieurs mètres devant lui, il y avait une pente, qui faisait la jonction entre le sol et le mur, et au beau milieu de cette pente, on avait gravé un immense bas-relief, représentant distinctement l’arrière-train généreux d’un cochon d’inde. Au centre de ce popotin de pierre, il y avait un trou, juste assez large pour y laisser passer un corps humain. Des cuys en rentraient et en sortaient de temps en temps, avec leur flegme idiot routinier.

-Personne ne sait où mène ce trou, reprit le marquis, seul les cuys vont et viennent à l’intérieur sans danger. Par contre, ceux qu’on y a jeté n’en sont jamais revenu. Mais qu’importe ou vous allez inspecteur, tout tourne toujours autour du cuy. C’est l´éternel recuymencement. Je suis sur que votre costume sera très pratique, mouhahahahahahahah !

-Moi, je sais où je vais, dit l’inspecteur, emplit soudainement d’une assurance étonnante, comme si effectivement, il connaissait ce mystérieux secret.

-Où ça ? dit l’ aristocrate, surpris.

-DANS TON CUY !!! MOUHAHAHA !!!

-Grrrr, emmenez-le !

Fergusson sentit des bras musclés saisir le brancard, qui se souleva brusquement. Maudit soit l’écrivain paresseux de cette histoire stupide ! Avec un minimum d’explication on l’emmenait vers cet outil littéraire bon marché pour scribouillards sans imagination : le trou sans fond. On le stabilisa quelques instants au dessus, puis le grabat bascula, et son corps glissa dedans. Où allait le mener ce toboggan ? Il prenait une vitesse incroyable. Des couleurs apparaissaient. Des cuys flottaient tout autour de lui. Quelque chose était en train de se passer. Tout se chamboulait, le haut, le bas, la gauche, la droite, l’avant, l’après, la mémoire de Fergusson était repassée, effacée. Il oubliait l’agent Canine, le père Fourmoi, le légiste, Jeannot, Roquefort, les mafieux, les trafiquants, Perigli, Voulva, Roudoudou et Sparadrad, Smash. Soudain, il sentit qu’il était dans le vide total, mais il s’en foutait, car il ne comprenait plus rien. Ça se finirait en cuy de sac ou en cuy de poisson, c’est tout. Tant pis où il aller se retrouver, il ferait bien avec…

* Tse’uq ec li’uq tuaf sap eriaf ruop eriaf nu teffe ed egayov lennoisnemid, zenigami el spmet li’uq a’m ullaf ruop erircé suot sel stom à srevne’l siam nob tse’c ologir ej xuep erircé etropmi’n iouq ruop enu eruelliem étilibisil ej siareréférp euq suov zeissatêtrra ed suov relifne… * !!!! Gnid—dinG !!!

…Franky dans la night devisait avec un néon, un flic sous couverture électrique. Franky faisait l’indic pour ceux qui n’aiment pas les camés. Les petits drogués comme lui, de toutes les espèces…

 

(à recommencer)

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