Texte à l’arrache 101

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La tentation de saint dalmatien. Saint Dalmatien vivait en ermite, dans une hutte en bouse de vaches, en plein milieu d’un champs picard. Le champ était battu par les vents, très souvent surgelés, de la Picardie sauvage. Dalmatien, démuni, se torchait sans papier. Pour tout repas, il mâchait de l’air, et entre deux prières à Dieu, il regardait l’Aisne serpenter au loin. Le puissant cours d’eau évitait les bovins, suivait la voie ferrée , infréquentée depuis des lustres, avant de disparaître dans le brouillard, quelque part vers Marly-Gomont la somptueuse . Un jour, qu’il finissait son bol de brise matinal, et juste avant de re´citer son premier Notre Père, une voix surgie de nulle part le hèle :
« Hééé ! Dalmatien, ohoh, wouhou ! » Le sage, surpris qu’on vienne troubler sa solitude, cherche dans tous les recoins de l’horizon, mais il n’aperçoit personne. « Hééé! Ici ! Juste là! » Le nez de Dalmatien se lève : sur le toit de son gourbi, c’est lui, c’est le Diable ! Tout rouge avec une queue fourchue, des pattes de boucs, des bras d’ours et une tête de cul, il sautille joyeusement devant l’ermite, agitant un trident, de toute évidence en plastique. Dalmatien tombe à genou et se signe. Il appelle Jesus à la rescousse, mais il semble que J.C soit occupé. « Dieu tout puissant, que me veux tu, ange porteur de lumière ? Attends, je sais, tu es venu me tenter ! » « Si tu fais les questions et les réponses, ce dialogue risque de se passer de tirets . » Le futur saint se tait, et il a bien raison, car la discussion passe en discours indirect. Satan lui dit qu’il n’est pas venu pour ça, qu’il est venu pour lui offrir un present, une boite magique, dont il veut lui faire la demonstration. Dalmatien hésite, mais se dit qu’après tout, l’un dans l’autre, tant qu’il n’accepte pas le cadeau, ça ne coute rien de jeter un coup d’oeil au bidule, considèrant la valeur spirituelle d’un tel duel. Un bon moyen de renforcer sa foi. « Ok, vas-y, montre ». Le Diable saute à bas de la cahute, et sort une télé. Une fois posée, deux petits trous apparaissent à coté, dans lesquels Lucifer branche la prise. L’écran s’allume. « S’il croit m’epater avec ça , c’est mal barré » ,se dit Dalmatien en dedans de lui. Le pauvre diable a l’air un peu tarte, avec tout son attirail démodé. Mais soudain, la bouche de l’anachorète se décroche : l’écran diffuse un défilé de créatures paradantes et gesticulantes, qui semblent toutes participer au concours de la tronche la plus moche. Des femmes à têtes d’ oryx avancent nues, en dansant lascivement. Derrière, une colonne de nains pourpres font des cabrioles, poursuivis par des hommes-poulpes qui les lapident d’une pluie de pommes de pins. Ils chantent, ils dansent, ils brâment, dans une cacophonie de sistres, de fifres, et de tambourins. Des cthullus en haillons portent péniblement une gigantesque sculpture. Chacun compte dix bras musclés, qui ploient sous le poids de l’idole, un six enchassé dans un M. Elle est si haute, si grande, qu’elle cache le soleil, et son ombre recouvre le monde d’une nuit sans étoile. A son sommet, Dalmatien voit une forme bouger. Anticipant sa pensée, le diable déploie de larges ailes de chauve-souris, enfile ses bras allongés sous les aisselles du moine, puis s’envole avec lui à la vitesse d’une balle traçante, à l’altitude où remue la silhouette. C’est un petit homme en costume de polyster, replet et grimaçant. Sous sa chevelure brune s’agite un visage de hamster russe. Avec ses yeux absolus de chien loup idiot, il scrute Dalmatien en riant. Il galipette, il dégringole, sur les pentes de la lettre de pierre. Sa constitution banale renforce l’impression de bouffonerie piteuse qu’il inspire au cénobite volant. Le souffle coupé par ses singeries, il s’arrete et se met à parler : « Dalmatien, c’est génial, il faut que je te fasse visiter un studio de quatre cent soixante dix metres carrés, en plein coeur de Mouzay, Indres-et-Loire. » L’homme de religion est propulsé au fin fond de l’univers, reste en suspend une seconde, puis retombe comme un météore en direction de la Terre. Devant ses yeux se rapproche un minuscule village aux toits roses, mais il n’a pas le temps de hurler dans sa chute. Déjà son arrière train percute le trottoir. Il est dans une rue du patelin, devant un petit immeuble en forme de clapier. « Viens, on entre ! » reprends le bonhomme, qui s’est materialisé devant lui. Benoitement, Dalmatien suit l’espece d’agent immobilier, qui n’arrete pas de parler « Alors ici on a l’entrée, tu vois, avec un parquet en mousse aztèque. La première porte donne sur l’espace ablutions, tu as une baignoire, une douche à l’espagnole, plus (il se met à hurler comme un con) une DOUBLE VASQUE ! Et cerise sur le gateau, il y a aussi un bidet, pour te laver le minou» Dalmatien a le tournis, la nausée. Il vomit dans le bidet, en implorant le Seigneur de l’éloigner de cette chose. Le commercial l’attrape par la manche de son froc. « Puis on passe par la fenetre, et on arrive dans l’espace séjour. Il fait cinq cent soixante quinze milles mètres carrés loi Carrez, avec des sexes apparents, un canapé qui pue et un teleporteur qui hop ! Nous emmene dans l’espace cuisine. Regarde ça, c’est pas ma-gni- faï-que, comme dirait l’autre pute ? Hein ? Hein ? Moi j’adore. Tu n’adores pas ? C’est adorabe. Comme moi. Si tu m’adores, je te negocierais un bon prix pour cette cage. Alors, tu m’adores ? » « Adore le, adore ! » reprend le diable, apparu on ne sait pas quand. Ca commence à le gonfler serieusement, Dalmatien, tous ces espaces-machins et ces espaces-trucs, cette scène débile qui ne sert à rien. Il explose.«Wowowowo, attendsattendsattends…. Tu t’es cru dans une histoire à la Flaubert ou quoi ? T’as rêvé là. C’est nul ton truc, comment veux tu que ça me tente ? N’importe quoi ! Allez, casse toi, casse toi pauv’ con !», rugit Dalmatien en rouant le démon de coups. Instantanément, il se retrouve entre les murs de sa cabane merdique, allongé sur sa paillasse. Les yeux écarquillés, il se signe plusieurs fois, puis pousse un profond soupir de soulagement. Il sort. Le jour se lève…
Sa quête de spiritualité touchait à son terme. C’était si facile d’être sage, quand la folie marchait à visage démasqué. Il se sentit plus près de Dieu. Chaque année, l’épreuve devenait plus bête, et dans une Picardie décadante,la moindre bonne action élevait à des kilomètres au dessus du niveau général. Un klaxon fit entendre sa voix de jouet pour chien : c’était Jésus qui arrivait en petrolette, casque d’épine sur la tête et sandales aux pieds. « Yo, Dalmatien, tu m’as appelé? Je suis en retard je sais, mon gps pète un cable dès que je viens dans ton patelin. » Dalmatien sourit. « C’est pas grave poto, maintenant que t’es là, tu restes? Ca te dit un petit godet d’air pur ? Il me reste une part de tarte à la bouse… »

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