Texte à l’arrache 194

 Dans Textes à l'arrache

L’homme et la femme d’ébène se cherchent du regard, dans un salon encombré.

Taillés dans le même arbre, leurs esprits enchâssés par le sorcier du village, ils se rappellent tous les endroits où on les a posé. Du seuil de la case où ils sont nés modelés, du bureau du gouverneur, de la cale du bateau avec lequel ils ont franchi le cap de la peur, Boudjour, Maroc, Tanger, Colonnes d’Hercule, Massalia.

Ils voient dans leur yeux pleins, les bibelots se succéder avec les jours, et sentent les essences qu’ils ont pu archiver, dans leur cerveaux de bois : miltou, dagela, koumra, moussafoyo, tarout, deglet nour, doum, chleuh, drago, olivera, pi de les tres banques, higuera, figuier, amandier, cyprès, pin d’alep. Tout autant de langages chantant leur long périple.

Maintenant les voila, de part et d’autre d’une cheminée, à se zieuter par dessus les cuys en gypse qui les séparent.

Elle aime son air sérieux, ses cheveux drus, son torse dense, son regard viril lourd de sous-entendus. Lui la trouve belle, avec ses seins pointus et fiers comme la proue d’une pirogue. Ses amandes orbitales, son nez droit de statue, son sourire charnel. Sa couleur de peau arrachée à l’Afrique. Il s’en faudrait de peu pour qu’il aillent se connaitre, cachés à l’ombre d’un cyprès.

Maudit soit le sculpteur qui ne leur a pas fait bras et jambes !

 

 

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