Texte à l’arrache 237

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C’est bête, mais avant, on souriait sur les photos de carte d’identité. Du moins, on avait la liberté de sourire sur ces clichés. Maintenant, on a des faciès de repris de justesse. Le genre de petit détail insignifiant qui plombe l’ambiance. Tous les jours, on ouvrant son portefeuille, on aperçoit du coin de l’œil notre gueule qui la tire : nous, l’air générique, suspect, et trépané. Autrement dit, il est officiellement interdit d’avoir l’air heureux sur les documents officiels. On peut donc logiquement conclure qu’il est officiellement défendu d’être heureux. Mettons nous à la place d’un agent de l’administration. Lui c’est des milliers de tronches renfrognées qui lui font la moue quotidiennement. Lentement, mais sûrement, le marasme s’insinue dans sa conscience. Les faces de constipés moroses le constipent à son tour, lui confirmant que l’existence est moche, nulle, triste et périlleuse. La vie lui paraît plus vaine, l’humanité, moins rachetable. Les infos passent leur temps à lui rappeler qu’il est en danger de mort, que personne n’est content, mais qu’il peut néanmoins mettre des tongs-chaussettes, s’il veut être dans le coup, et rire à nouveau. Avec un peu de chance, il pourra choper une bimbo comme dans les clips vidéos, mais on ne l’a pas prévenu que c’était hautement improbable. Alors forcément, il se prend râteau sur râteau, et fatalement, perd la gaffe de la joie qui le maintenait hors de l’eau. Sa figouane devient comme sa photo d’identité, il venge ses espoirs assassinés sur les autres, en rendant leur vie administrative un petit peu plus infernale, degré par degré. Il manque une pièce au dossier, le formulaire est incomplet, l’age est incorrect, l’exonération est terminée, l’échéance est dépassée, l’individu est menacé de poursuite, il est poursuivi. Tout ça parce-que des portraits renfrognés ont miné son existence. Le climat général devient comme la photo d’identité : gris, sans sourire, carré, fixé vers un lointain inexistant. Faut pas s’étonner que tout le monde ronchonne, et se plaint du pays, l’ambiance officielle se brumise au caca, et les sourires ont été kidnappés pour servir d’accessoires aux acteurs des publicités. En un mot comme en deux cents : c’est la déprime organisée. Youpi. Tous en tongs-chaussettes !

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