Texte à l’arrache 307

 Dans Textes à l'arrache

Elle était tellement belle, qu’ elle reignait sur les amants comme un tyran sur son pays. Ses prétendants se mouraient d’amour, et elle n’était jamais plus heureuse que lorsque elle entendait tinter leurs coeurs en train de se briser. Le bruit des morceaux tombant par terre, lui semblait autant de cloches tubulaires jouant un air à sa magnificence. Son passe-temps favoris consistait à se poser là, à attendre une proie. Quand une ame un peu tendre passait par hasard près d’elle, elle lui jetait dessus le grapin de ses yeux et le piège de son sourire. La victime attrapée était perdue. Persuadée que cette ravissante créature ne pouvait être que le Grand Amour tant attendu, la proie ne se rendait pas compte qu’elle était déjà devenue son jouet. Alors, elle s’amusait de voir la pauvre poire sortir des trésors de courtoisies, d’attentions, de compliments, de poésie, de présents, d’actions d’éclat. Telle une plante vénéneuses, elle laissait son souffre-douleur  s’imbiber de poison jusqu’au fond de ses chairs. Jamais elle ne donnait la récompense tant espérée. Puis, quand elle estimait que le gogo était à point, elle se faisait voir dans les bras du premier venu, offrant le cadeau de ses lèvres à celui qui n’avait rien fait d’autre que d’être là. La vision terrassait celui ou celle qui était visé. Un bruit d’explosion supersonique s’entendait dans tout l’endroit : c’était le palpitant fracassé qui se disloquait en mille miettes. Le regard de la personne à ce moment là, avait plus de saveur pour elle, que le plus savoureux caviar. La joie de vivre s’en echappait, comme de l’eau sortant d’une canalisation trouée, pour ne plus jamais revenir. Un fois régalée, elle choisissait un autre jouet pour son plaisir. Personne n’aurait oser lui reprocher, sa beauté excusait tout. Si le supplicié se trouvait avoir un esprit suffisamment chevaleresque, héroïque et endurant, en un mot, collant, elle lui mettait un dernier soufflet, qui achevait de le détruire. Rasssemblant tout ses charmes, faisant sa moue la plus adorable, elle declarait au pénible qu’elle n’était pas un trophée. La passion la plus pure ne pouvait rien y dire : c’est le rejeté qui devenait le monstre de l’histoire, et la culpabilité finissait de l’achever pour toujours. Il n’était plus sur la terre que pour errer seul. A l’intérieur de son corps magnifique, elle riait aux éclats. Le tyran avait eu droit à son exécution sommaire, son empire de tristesse gagnait encore du terrain. La bête avait mangé. Si cela avait été une histoire, elle aurait été punie. Mais la vie n’est pas une histoire, c’est un quotidien plein de drames.

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