Texte à l’arrache 33

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Plus rien à l’horizon, capitaine. L’océan trouble est si calme, et les sirènes, si absentes. Quand elles existaient, elles avaient des ailes, des têtes de femmes folles, un chant pour leurrer, des serres pour déchiqueter. Puis elles se sont vues pousser des nageoires, des poitrines… Ca affolait encore les marins (un sein nu est toujours bon à prendre), mais ils se sont vites rendus compte que ce n’était que des lamantins. Depuis, il n’y a plus rien pour hanter ces eaux. On a retiré aux misérables le luxe de périr en mer. Ils finiront violemment contre un parc-choc à la sortie d’une discothèque. Qu’elle est vide, capitaine, les cormorans ont l’air de sangloter. Un peuple perdu vit peut-être encore au fond d’une grotte secrète, mais ce serait un crime de les découvrir. Pour quelques années de magie nouvelle, on les génociderait par la maladie et l’indifférence de la jeunesse. Laissons-les seul, capitaine, laissons-les inconnus, mais vivants. Ils existeront s’ils le sont. Paré à plonger, oui, capitaine. Nous iront chercher le calamar géant, au fond des fosses sans soleil. Il produira la lumière nécessaire à notre amusement. Bien des pécheurs sont morts à la baleine. Le calamar n’est pas un kraken. Il flotte mou, serein, sans victimes. Les algues font des forêts. Si nous sommes sage, il nous battra les flancs de ses tentacules. On touche le fond, capitaine, il n’y a toujours rien à voir. Plus d’Atlante, ni de Namor, ni de Sous-Marinier… Poseidon ? Ca fait belle lurette. Il n’y a plus de place que pour les éponges qui parlent, maintenant. Vous voulez en voir une ? Non ? Tant pis. Nous remontons. A vos ordre. Entre deux eaux, il y aura toujours à discerner… Ce n’est pas mieux ici. Il y avait bien deux-trois pirates, mais les favouilles ont tout mangé. Ca ne reste jamais longtemps. Le sel effrite les chairs… Que fait-on ? Nous retournons à la surface ? Très bien. Nous allons devoir changer d’aquarium, capitaine, celui-là est vide à en pleurer. D’ailleurs, c’est de vos larmes que vous l’avez rempli, n’est-ce pas ? Pauvre capitaine. Vous n’avez plus rien. Plus de port d’attache. Personne. Pour être solitaire, encore faut-il qu’il y ait du monde…. Allons, regardez votre fin vaisseau. N’est-il pas splendide ? Tous ces cordages, ces mats et ces tonneaux… Quand, il avance, toute voiles dehors, on dirait un hoplite progressant derrière son bouclier. Vous n’en avez que faire ? Vous n’en avez rien à cirer ? Comme vous voudrez, capitaine, c’était histoire de vous égayer un peu… Une petite mutinerie, ça vous ferait plaisir ? 

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