Texte à l’arrache 348

 Dans Textes à l'arrache

(Traduction à l’arrache. Le Corbeau, d’Edgar Allan Poe. Poe’s poems pawn posers.)

 

Un soir de frousse, alors que crevé, je gambergeais en pente douce
En lisant un grimoire plein d’oubliés savoirs—
Je piquais du nez, quand soudain, quelque chose à tapé
Comme si on gratouillait à la porte de mon fumoir
« Tiens, un visiteur »,me dis-je « qui tape à la porte de mon fumoir—
Simplement pour me voir. »

Ah, je me souviens bien qu’il faisait un glauque hiver;
Et les braises sur le sol, créaient des chimères d’or.
J’espérais vraiment que le matin arrive;—En vain j’essayais d’attraper
Un livre sur mes étagères endeuillées—du deuil de la disparue Lenore—
Car cette précieuse et magnifique fille, que les anges baptisèrent Lenore—
N’a plus de nom ici,non, jamais plus encore.

Et chaque triste, incertain,soyeux bruissement de mes rideaux vermeils
Me filait la pétoche–Me remplissait d’une fantastique terreur, jamais sentie alors;
Du coup, pour calmer de mon coeur les battements, je restais là, en répétant
« C’est une connaissance, qui vient me voir encore–
Un connaissance tardive, qui vient me voir encore;–
Ce n’est que ça, c’est pas la mort. »

En fait, mon courage grandissait; plus du tout je n’hésitais
« Monsieur, ou Madame, »dis-je « pardonnez-moi, je vous l’implore;
En verité, je dormais, et vous, si doucement, vous avez frappé,
si faiblement tapé, encore et encore
Que je n’étais pas sur de vous avoir entendu »–Là, j’ouvrais en grand la porte du corridor;–
Il n’y avait que ténèbres, et rien à leurs abords.

Plongeant mes yeux dans les profondeurs de ces obscurités, là je restais
À me demander, à flipper, à douter, à rêver des rêves qu’aucun mortel n’avait rêvé encore;
Mais le silence restait, aucun signe, juste l’immobilité,
Et le seul mot prononcé le fut dans un chuchotement, « Lenore? »
C’est ce qu’il se passa, et l’écho me murmura en retour le mot, »Lenore! »–
Juste ça, et encore…

Droit dans ma chambre retournant, mon ame en flammes intérieurement,
Très vite, de nouveaux battements, mais quelque peu plus forts.
« C’est sûrement un truc qui cogne contre le treillis de la fenêtre
Ce mystère, quelqu’il soit, il faut que je l’explore–
Je reste encore un peu en arrêt cardiaque, ensuite ce mystère, je l’explore–
C’n’est qu’le vent, ou moins encore.

Quand j’ai ouvert le verrou, ça s’est mis à voleter partout,
Un superbe Corbeau, comme aux jours de l’age d’or;
Plus que de désobéissant il se fit, tout le temps excité, mais il finit
Par se poser sur la traverse de la porte, avec un air de monsignor,–
Sur un buste de (Vince) Pallas, ancien suprême imperator–
Se percher, puis s’assoir, furent ses seuls efforts.

Cet oiseau d’ébène me fit sourire dans mon triste délire
A cause de son air grave de sévère butor
« Bien qu’on devrait te raser la poire, » dis-je, « tu n’es pas un lâche »,
Toi l’antique, le sinistre Corbeau errant, qui a la nuit pour mirador
Dis-moi pourquoi tu as cette nuit infernale pour mirador ! »
Le Corbeau répondit : « C’est mort. »

Je m’etonnais beaucoup d’entendre cette vilaine volaille me tenir discours si duraille
Bien qu’il ait peu de sens–On a jamais dit jusqu’alors
Que quelqu’un fut assez veinard pour avoir le privilege de voir
Cet oiseau que certains abhorrent,
Oui, cette bestiole que tout le monde abhorre,
Dire des choses comme « C’est mort. »

Tout seul ici assis, sur le buste placide, le Corbeau dit
Seulement cet unique mot, et de lui il sortait au-dehors
Rien de plus il prononça–aucune plume ne bougea–
Jusqu’à ce que je marmonne moi meme « J’ai d’autres amis qui volent encore…
Demain, lui me quittera, comme mes espoirs qui volent encore… »
Et là, le piaf dit « C’est mort. »

Je fus surpris que le silence soit brisé avec une telle violence,
« Ce n’est dû qu’à un dressage, » me dis-je, « ce qu’il sort
Lui a été appris par quelque maître tristouillard, avant qu’un traître
De malheur fasse à son ennui un sort—
Avant que ses espoirs poussent un chant funèbre sonore
À base de ‘Mort—c’est mort’ »

Mais le corbeau continuait de transformer mon trip en sourire niais,
Je plantais mon siège, ayant l’oiseau, le buste, et la porte en décor;
M’enfonçant dans le velour, je me mis à faire un tour
De délire en délire, me demandant qu’est-ce que cet effrayant Piaf de l’âge d’or—
Ce lugubre, disgracieux, degueulasse, décharné et effrayant Piaf de l’âge d’or
Voulait coasser par « C’est mort. »

Alors je me suis assis pour réfléchir, sans mot dire.
Devant cette pintade aux yeux ardents, qu’elle enfonçait dans mon cœur;
je restais comme ça, à la déifier, pendant que ma tête progressivement flanchait
Sur les coussin de velours par la lampe eclairée.
Mais sur ces coussins de velours violet, plus jamais
ne s’appuira Lenore !

Ensuite, j’ai eu l’impression que l’air devenait plus pesant, comme parfumé par un invisible encens
Qu’un ange faisait valser dans un encensoir d’or
« Salaud », pleurais-je sur mon sort « Ton Dieu t’as donné un sursis empoisonné –par l’entremise de ses anges– au souvenir de Lenore
Vas y oh vas y, bois ce doux poison, et oublie ta douce Lenore! »
Et l’oiseau dit « C’est mort. »

« Prophète! » m’ecriais-je, « machin diabolique–prophète, peut-être, mais quand meme, diabolique!–
Qui que soit le tentateur qui t’as envoyé, ou quelque tempete qui t’as jeté sur le rebord,
Ravagé mais vaillant, de mon monde magique mourant–
Dans cette maison hantée d’horreurs–dis moi franchement, je te l’implore–
Y a t’il–Y a t’il un remède à ça?–dis-moi–dis-moi, je t’implore! »
L’oiseau dit « C’est mort. »

« Prophète! » m’ecriais-je, « machin diabolique–prophète, peut-être, mais quand meme, diabolique!
Par les cieux au dessus de nous–par ce Dieu qu’on adore–
Dis à cet ame pleine de chagrin, là-bas dans son Eden lointain,
Que je l’enlace, cette sainte personne, que les anges nomment Lenore–
Enlace cette précieuse et splendide fille, que les anges nomment Lenore. »
Le corbeau dit « C’est mort. »

« Que ce mot soit celui de la fin, sale oiseau! » je criais, enervé–
« Retournes à ta tempête et ton infernale nuit qui te sert de mirador!
Ne laisse aucune rémige en souvenir de ton mensonge!
Laisse moi tranquille!–De ma porte, quitte les abords!
Sors ton bec de mon coeur, prend tes formes, et tire toi de mes abords! »
Le corbeau dit « C’est mort. »

Depuis, le corbac n’a pas bougé, il est toujours posé, toujours posé
Sur le buste blême de Pallas, au dessus de la porte du corridor;
Et ses yeux donnent l’impression, qu’on a affaire à un démon,
Et la lueur de la lampe étale son ombre sans effort
Capture mon ame dans cette ombre, toujours sans effort
Et pour s’en évader–C’est mort! »

 

Texte original

Traduction de Charles Baudelaire

 

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