Texte à l’arrache 65

 Dans Mémoires de musicien, Textes à l'arrache
(Extrait de mes mémoires : Moi, Je, Personnellement, sortie prévue le 23 février 2021, aux éditions Masturbard, qui seront disponibles dans la poche intérieure gauche de mon costume de macchabée. Passage issu du tome 25, livre 32: mes années rock.)

Lorsque Ritchie m’a appelé pour me dire qu’on avait un concert, j’ai flippé comme il faut. C’était le premier concert des Nitwits, et mon premier concert tout court. Un vrai, avec une paye à la clé, au Red Lion d’ Aubagne, pub fréquenté. Les tauliers avaient décidé d’organiser une date « rock alternatif » hebdomadaire. Comprendre : une rare occasion de se produire, pour un groupe qui joue ses compos. Je vivait encore chez môman, en adolescent paresseux. Par tous les moyens d’évasion possible, j’ai essayé d’esquiver la date, mais en vain : Ritchie avait tout les arguments pour répondre à mes problèmes soudain de logistique, de transport, de préparation. C’était un moment grotesque et capital. Mon pantalon tombait sur mes chevilles, mais franchir l’écueil représentait une aventure qui font d’un enfant un homme. Une sorte de rituel initiatique s’approchait, où il fallait vaincre sa peur du Monde Autour. Finalement, je me résignais. Pas à cause de cette analyse, qui ne vient que maintenant que j’écris ces lignes, mais parce que je ne voulais pas me dégonfler devant mes nouveaux amis. Enfin, les études me souriaient, ma première sylphide était oubliée, les morceaux de mon coeur se recollaient, le manga Love Hina me chamboulait le cerveau avec son histoire d’étudiant loser qui finit par réussir (et plaire à toutes les meufs, hum)… Il fallait agir, franchir le pas du confort vers le danger, prendre la haute mer, etc. Etc. Ca s’est donc fait. Le show était anecdotique, même si j’étais terrorisé tout du long : Ritchie et Juan-Lucas, un peu plus expérimentés, restaient confiants, Matwis me rassurait d’une certaine manière, en partageant avec moi son égale timide panique, les potes étaient là, en majorité ceux des deux ex-Crumb. De mon coté, Guillaume avait ramené des copains à lui, je crois qu’il y avait Yann aussi, je ne sais plus… Tout ces souvenirs, ces images, ces bruits, et ces odeurs, se sont mélangés comme la bière collante qui recouvrait les tables, ce soir là. Ils se sont dilués. Reste encore prégnante la fraicheur de la nuit étoilée, sur la terrasse dominant la ville de Pagnol. Sinon, c’était bruyant. J’avais juste une splash en guise de cymbale, on a fait notre musique destroy. Les gens ne nous ont pas acclamé, mais pas jeté non plus. On a bu et fumé beaucoup. Quand je suis rentré chez moi, tard, je n’avais jamais été aussi content de retrouver mon lit. Une chaleur interne parcourait mes routes nerveuses : j’étais officiellement un zicos dépucelé.
La seconde date, je crois que c’était encore au Red Lion, de Marseille cette fois. Celle-là, je l’ai déjà raconté dans les contes du cinquième étage, en exagérant à peine. Ritchie a fini au poste. Le lendemain, on a été convoqué dans le bureau du dirlo (pardon, du propriétaire), qui nous a fait un sermon, comme quoi, on avait saccagé le bar, fait trop de bruit, de boxon… En organisant ce genre d’évènement, à quoi s’attendait-il ? A une alternative molle ? A du punk de chambre ? En plus c’était vraiment pas de notre faute, les videurs du saloon avaient juste envie d’une bonne bagarre, et on était les clients parfaits, avec nos collègues turbulents, notre incongruité, nos cinquante kilos tous mouillés à quatre, … On a pas fait d’embrouilles, on est resté sage, comme les écoliers qu’on étaient encore. Le cachet, on l’a jamais touché.
Le truc qui me laissait perplexe, dans cette période de sarkosysme avancé, c’est que les gens continuaient de ne pas aimer la musique en colère, alors que c’était la catharsis parfaite.Cette fille bien apprêtée qui se bouchait les oreilles devant nous, pendant le gig, était la manifestation concrète de cet incompréhensible phénomène. Son visage plissé d’inconfort est resté gravé dans ma mémoire. j’ai compris que jamais, je ne ferais partie de cette jolie jeunesse souriante qui s’amusait frivole, ferme, fraiche et heureuse, pailletée de vodka fugace. Bizarre j’étais, bizarre je resterais, trop content d’avoir trouvé un havre de paix au sein de cette nouvelle bande. La batterie faisait bouclier. C’est étrange, ce retour annoncé à la droite contraignante. Il aurait du être le départ d’une réaction contre-culturelle rugissante, un peu comme le hardcore américain de l’époque Reagan, mais il ne s’est rien passé. Je laisse la conclusion à ceux qui jugent.
Le troisième concert, à la Machine à Coudre, fut épique. On y rencontrait le Mystic Punk Pinguin, on commençait à mettre un pied dans la scène… Il sera raconté en temps voulu. En amuse-gueule, voici une phrase à méditer (et qui reviendra prochainement) “Un punk, c’est bête et méchant!”

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