Texte à l’arrache 67

 Dans Rats, Textes à l'arrache

Un matin, je rêvais à la nuit. Dans le manoir anglais, que dans mon monde, j’avais créé, au sein de la bibliothèque, vaste et gothique, je divaguais encore sur un volume d’ Edgar Poe. Je lisais le corbeau. Les visages grotesques des gargouilles de bois, qui soutenaient sans effort les piliers de la salle, éclairées par en dessous, me stupéfiaient de crainte dès que mon regard croisait le leur. Il m’avait semblé les voir bouger. Pendant que la présence de ces esclaves m’effrayaient, et que, peureux, je me réfugiais dans le livre, les vagues s’échouaient sur mes rivages intimes, au rythme lancinant des tours de pages… Tout à coup, un bruit creva le papier du silence : le frottement sourd de quelque chose contre la roche des murs. Un son rampant, trainant. La surprise, de sa trique, fit dresser mon échine. Je regardais tout autour, dans tout les recoins. Rien. Juste la danse des ombres, et les soupirs chauds de l’âtre. La lecture reprit. Strophes funèbres, mots lugubres, absence entre les ligne, obscurité. « Plus jamais » répétait le corbeau. Son croassement, chargé de la magie d’Hécate et de Diane nocturne, sorcellerie des croisements et des forêts, ramenait à la vie des souvenirs disparus, des espoirs de vies prolongées, mais surtout des regrets. Quoi ? Qu’est ce que c’est ? Qui est là ? Une ombre ronde s’est peinte sur la muraille. Furtive, rapide, grandissante. Je ne su pas reconnaître la chose, aussi je paniquais, lançant le livre en l’air, faisant tomber ma chaise, en maudissant l’écrivain, qui avait pu vouloir faire venir tant d’effroi, tant de monstres ici-bas. « Qui va la ? » éructais-je au milieu de l’écho, première réponse à mon vacarme. « Scouiky scouic » dit une voix. Scouiky scouic ? C’était le couinement d’un muridé. « Que fais-tu, petit brigand ? » lui demandais-je, alors qu’il grimpait en spirale, par un pied de ma table d’étude. « Scouiky scouic » Une demi-portion frisée, dandinant son corps gras. Il s’approchait, joueur, en trottinant sur ses petites pattes. Sa truffe toucha mon nez, je grattais son museau. Le rongeur farfouilla, fureta imita le bipède, grignota quelques pages de Poe. Gentille bête, me dis-je,tu voulais m’épargner la pensée douloureuse de quelques amis perdus, que le poème aurait fait revenir, sous la forme de statues de poussières. « Merci » dis-je au raton. « Scouiky scouic » il répondit. Mais mon coeur se pinça : animaux comme humains, formes de vies aimées, devrais je dire, Pourquoi vos scouiky scouic, doivent cesser de résonner ? A chaque fois, ce triste château ne cesse de s’agrandir, une pièce vide s’y rajoute après l’autre, plus humide et plus froide, sans fantômes. Et même le matin, mes rêves sont dans la nuit.

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