Texte à l’arrache 94

 Dans Textes à l'arrache

Il était une fois un arracheur de dents, qui était le plus doué de sa génération. Sa technique était impeccable : Avec la précision d’un tireur d’élite, il saisissait la dent, puis, d’un coup sec, la faisait sauter de son étui de chair en un clin d’oeil. Le mouvement, qui avait la souplesse brutale d’un nunchaku, s’accompagnait d’un cri martial à fendre une brique en deux. Mais le plus incroyable, c’est que l’extraction était totalement, parfaitement, incroyablement indolore. Si la pierre philosophale, qui change le plomb en or, avait été un homme, et que cet homme avait été arracheur de dents, il aurait été l’élu. D’ailleurs, il changeait souvent les plombages en implants dorés. Las, ce don prodigieux ne lui servait à rien, car pour son malheur, il lui manquait la qualité indispensable de tout bon extirpateur d’ivoire : être un bon menteur. Impossible pour lui de mentir franchement. Les clients ne voulait même pas laisser approcher sa tenaille de leurs visages. Il leur disait : « attention, vous risquez de sentir un léger pincement « (ce qui était rigoureusement vrai). La déception était immédiate. Un vrai arracheur de dents, un bon, un pro aurait dit «ne vous inquiétez pas, ça ne va pas faire mal », tout le monde sait ça. Sa franchise était trop bizarre, et les mettaient si mal à l’aise qu’ils s’en allaient avant l’opération. Sans personne pour remplir son échoppe, la faillite vint passer l’aspirateur. Mais l’homme ne pouvait pas accepter. Faire sauter des chicots, c’était sa vocation, sa passion. L’art que son père lui avait transmis, qui le tenait lui même de son père, qui le tenait lui même de son père, qui le tenait lui-même… Ainsi de suite. Le seul moyen de survivre était d’apprendre à mentir correctement, et pour cela, il n’y avait qu’une solution : entrer en politique. Les temps changeaient… Le voici donc qui entre dans un parti. On lui donne sa carte, on le fait militer. On lui apprend à dire de la merde, à faire des phrases jolies comme des bulles de savon, et aussi pleines d’air. Echelons aprés échelons, il monte la hiérarchie àtoute vitesse. C’est qu’il est doué, le bougre ! Il dit des conneries qui passent d’autant mieux qu’elles sont grosses. Pourtant, quand il estime avoir suffisamment rodé son nouveau talent, il retourne à son vrai métier. Comble de malchance, ça ne marche pas du tout. Comme mentir, c’est le contraire de dire la vérité, cette andouille dit maintenant : « Ouhlala, ça va faire très très bobo à ta boubouche! » Forcément, puisqu’en réalité, il ne fait REELEMENT pas mal, bref… Les patients flippent grave, trouvent qu’il les infantilise un peu, à leur parler sur ce ton, ils s’en vont. Déprimé, déçu, dégouté, il rend son tablier de boucher, pour se recycler définitivement dans les affaires de la chose publique. Il se présente, profite du fucking incredible politic show, gagne la course en sac, devient président. Au pouvoir, il fait comme tout les autres, c’est à dire des réformes qui ne servent qu’a faire entrer le nom de ses ministres au panthéon des gloires éphémères. Abusant de son pouvoir, tel un despote, il fait passer de force une taxe sur les molaires, dont les collectes finissent au fond de sa caisse noire… Voilà. Il vécu heureux, et arracha toute la denture de la première dame, de ses enfants, et du labrador officiel. Fin.
(dédicace en retard à Alexandra Gandumont 😉

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