Hymne des suicidés

 Dans Poèmes
La balle.
La corde.
Le gaz.
La lame.
Les pilules.
La seringue.
Le saut.
Le choc.
La bombe.
La flamme.
Le repos.
Nous les suicidés sommes des gens rassurants,
Notre malheur était plus grand
que le votre.
Nous étions jaloux de la mort. Suffisamment   Pour profiter avant vous, passant la porte.
Les autres s’en fichait, l’affection nous fuyait,
Même si ce n’était pas vrai. Nous ne savions
Pas avant d’en finir qu’aveuglés nous étions
Par l’insignifiance de la renommée.
Pourquoi l’avons nous fait ? Par peur d’être oubliés ?
Vous ne saurez pas, car nous bafouons toutes
Sagesses pour vous laisser dans ce monde inquiets,
Oublieux des oiseaux et seuls sur la route
Nous nous exaspérions des usages arrogants
Et des esprits malicieux. Mais nous sommes veinards,
Éclaireurs géniaux qui vous attendent au départ,
Et nous rions aux larmes de vous voir pleurant.
Maintenant, nous nous délectons de vos clameurs
Au dessus de nos corps rangés dans le cercueil.
Dites vous bien qu’il dort et que nous sommes ailleurs,
Mais nous serons présents quand vous irez le seuil.
Nous avons bien de la chance, nous avons pris
La liberté d’oublier une vie d’ennuis.
Mais ce qui est triste, la triste vérité :
Envers et contre tout, nous étions comme poussés.
Vous etes libre à la torture du présent de
L’avenir, à l’abri des aimées fleurs qui fanent,
Des catastrophes et des lumières qui dardent,
Perdus dans le brouillard des illusions profanes.
La servitude des corvées quotidiennes,
Le labeur et la séduction sont terminés
Fini les élucubrations comédiennes,
les lendemains heureux n’auront pas à chanter
Qu’ importe l’amour d’une beauté périlleuse
Ou la chaleur consolante d’un autre corps ?
Vivant, nous avions l’espoir de valoir mieux mort,
De rendre la fission de nos cœurs silencieuse
Assez de la malédiction du temps qui passe
Nous étions fatigués d’être harrasés de pensées.
Nous voulions arrêter de nous masquer la face
Comme vous le faites ici à longueur de journée.
Nous vous laissons à vos bontés, méchancetés,
Vos sentiments divers et autres perceptions.
nous vous fixons, quelle que soit votre religion.
De l’autre côté du fleuve, sur la jetée
Depuis la rive où poussent les asphodèles
Avec des yeux grands ouverts, là nous attendons
Ceux que l’on a aimés et qui très tard viendront.
Quant à ceux qui ont le bord sous leurs semelles…
Contemplez… on vous aperçoit depuis le fond
La balle.
La corde.
Le gaz.
La lame.
Les pilules.
La seringue.
Le saut.
Le choc.
La bombe.
La flamme.
Le repos.
(illustration Edouard Manet)
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