Texte à l’arrache 267

 Dans Textes à l'arrache

Hatchepsout!

-A vos souhait, Votre Luminescence Céleste.

-Mais non, bougre d’âne ! Hatchepsout, ma fille ! Sous-créature, bon à rien, flaque de pu ! Va me la chercher tout de suite !

-Bi… Bien, Votre Immortelle Énormité, immédiatement.

Dans un cliquetis d’or, de turquoise, de lapis-lazuli et d’agacement, Pharaon croise ses bras nus d’un air renfrogné. Le plat de sa sandale tapote le sol, trahissant son impatience. Hatchepsout apparaît. La jeune fille à la tête féline, aux petits seins de statuette, glisse dans la salle du trône comme un nénuphar sur la surface d’ un étang. Le lin le plus fin entoure son enveloppe mortelle, soulignant sa taille étroite de belle momie. Elle regarde son père d’un air moqueur, du même air qu’Isis devait afficher devant Ré tombé dans son piège. Pharaon fronce les sourcils.

-Vous m’avez fait demander, Père ?

-Qu’est ce que j’entends ? Il paraît que tu joues les hommes ? Que tu portes la barbe ?

-Postiche, la barbe, Père.

-Ça ne change rien. On se moque de Nous. On se moque de Moi, Thoutmôsis Ier ! Tu me fais honte, tu fais honte à ta mère et mes quarante concubines, tu fais honte à tes cent soixante-treize frères et sœurs. La honte sur la famille, la vérité !

-Thoutmôsis, Toutmoisis plutôt, hihihi.

-Petite effrontée ! Ah, qu’elle m’énerve. Elle m’énerve !!! Ingrate, tu vis dans le luxe, et ainsi tu me traites ? Tu n’imagines pas ta chance, regarde, on a même l’eau courante, c’est inouï pour l’époque !

-L’eau courante, l’eau courante… C’est souvent l’eau trébuchante. Les porteurs sont des empotés.

-Mouais hmpf. Passons. On parlera de tout ça plus tard. Les affaires de l’État n’attendent pas… Bon, allez, suivant. Qu’est-ce qu’il a, çui-là ?

-Il a prétendu qu’il était l’Osiris de son foyer, Votre Génialissime Splendeur.

-QUOI !? Petit insolent, comment oses-tu ? Ne sais-tu pas que seul Pharaon est l’incarnation d’Osiris ? Et puis quoi encore ? Pfff ! Non mais. Si tout le monde commence à se prendre pour Osiris, ça va être le foutoir. Tous les bourrins vont se dire « Ohoho, je suis un Osiris, j’ai droit à la vie après la mort, blablabla ». La bonne excuse pour ne rien fiche, oui ! Qui craindra Pharaon, si tous les débiles se croient uniques et épatants ? N’importe quoi !

-Que fait-on de lui, Ô Notre Éternel Encore ?

-Coupez lui la tête sur le champ, ça lui fera les pieds. Ça te servira aussi de leçon, ma fille, de voir la colère du Patron en action.

Hatchepsout soupire avec une moue boudeuse, et se vautre dans un tabouret près du trône de son père, les coudes sur les cuisses, et le menton sur les paumes. Le bourreau royal, son énorme épée à la main, s’avance alors que l’on force le pauvre contrevenant à se mettre à genou. C’est probablement un modeste paysan, un serviteur, ou un marchand quelconque. Il tremble de tout son corps, et de sa tête baissée en repentance s’élève des pleurs étouffés. Autant de manifestations qui implorent la mansuétude du monarque. Celui-ci n’en a visiblement cure. D’un geste minimaliste de la main, il ordonne à son exécuteur de s’exécuter. L’homme musculeux lève son arme haut au dessus de son khat, puis l’abat de toute ses forces sur le cou de sa victime. Le petit corps qui palpitait encore quelque secondes avant s’affale comme une planche de bois mort. Le visage crispé de peur de l’effronté rebondit et roule avec un son spongieux jusqu’à une statue d’Anubis, dont la coupe enflammée qu’il tient éclaire la scène terrible d’ombres dévorante. Silence accablant.

-Bon… Ça, c’est fait, dit Thoutmôsis Ier, quand même un peu pâle. Que… Que ça vous serve de leçon, ma fille…

-Père, est-ce normal ? J’ai soudain la nausée …

-Euh, oui, ehm… c’est normal, c’est normal….

Le pharaon tape dans ses mains.

-Allez, allez, faites moi disparaître ça, c’est répugnant. Nettoyez le sol, et envoyez le prochain pignouf… Voyez, mon enfant, ceci est le quotidien de Pharaon. Êtes-vous sûre de vouloir continuer à porter la barbe ?

-Faut voir… Je ne suis pas complètement certaine que cela me déplaise tant que ça.

-Vous me désespérez… M’enfin, on verra bien ce que dira l’Histoire…

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Louis-Ferdinand Céline
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