Feuilleton à l’arrache 244 épisode 11

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(résumé : Enfer et ratiocination, L’inspecteur Fergusson s’était tellement prit la tête avec l’affaire du trafic de cochons d’inde à junkie, qu’il en avait presque oublié le goût de vivre. Malgré les encouragements d’un vieux marin, sa tentative de reconstituer la section d’assaut anti-cuys se révéla être un parfait échec. Rétrogradé, divorcé d’avec Massey, qui le tractait depuis toujours, il fut muté dans un petit patelin. A Roquefort-la-Bédoule, principalement connue pour son baby-foot d’excellente facture, au bar de la place, il ne se passait pas grand chose. Le temps passa. Fergusson s’habitua à sa petite vie tranquille et sans remous. L’affaire des cobayes péruviens, qu’il avait passivement démantelé, n’était plus qu’un mauvais souvenir. Jusqu’à cette après-midi d’automne…)

Fergusson était tendu comme un arc. Jamais il n’était tombé sur un cas aussi ardu. Cette partie de solitaire le tenait en haleine depuis un bon quart d’heure. Coriace, la bête. Pourtant, il savait qu’il pouvait s’en sortir, et enlever toutes les cartes de l’écran, conformément aux règles. Mais alors qu’il avait réussi à débloquer ce précieux valet de trèfle qui le coinçait, l’agent Canine, policier municipal et fier de l’être, fit irruption dans le bureau.

-Chef ! Chef ! On en a une ! On en a une !

-Grmmblblb, ronchonna Fergusson, qui en sursautant, avait malencontreusement fermée la fenêtre de son jeu. Une quoi ? Une quoi ? Agent, agent.

-Une affaire ! Une vraie !

-On a encore essayé de voler le baby-foot ?

-Non pas cette fois. Là, c’est un homiciiiide , éjacula t’il. Avec un vrai mort et tout !

-Du calme, agent Canine. Êtes-vous parfaitement sûr de ce que vous avancez ? Non, parce que j’ai une partie de contrée ultra importante après le boulot cet aprèm…

-Je vous assure que c’est vrai, chef ! J’ai moi même vu l’objet du délit.

-*soupir* Bon, je viens avec vous, vous me ferez un résumé en route…

Fergusson et Canine montèrent dans l’unique et cacochyme voiture de police de la ville.

-Chef, je peux mettre le gyrophare ?

-Démarrez, et concentrez vous plutôt sur votre conduite.

-Comme vous voudrez chef, dit l’agent de police , visiblement déçu.

Le véhicule démarra au centième de tour. En quelques secondes, il dépassa les limites de la ville, et continua sur la petite route nationale qui menait encore plus loin dans la pacoule profonde.

-Alors, quelle est la situation ?

-C’est Jeannot le travelo, celui qui tapine sur la départementale 69, vous voyez ?

-Oui, bien sûr.

-On m’a appelé tout à l’heure, un automobiliste, pour me signaler qu’il dormait en plein milieu de la route, et que ça gênait la circulation. Moi, ni une, ni deux, je m’y rends, et en effet, Jeannot gênait bien la circulation. Pas qu’il y ai un trafic massif sur cette route, mais bon… C’est quand je me suis approché de lui pour le réveiller que je me suis rendu compte qu’il ne dormait pas. Il était bien mort ! Ensuite je suis venu vous chercher, voilà.

L’agent Canine jeta un regard furtif vers Fergusson. L’inspecteur ne répondit rien, le regard fixé sur la campagne jaunie qui défilait autour d’eux. Il avait un mauvais pressentiment…

À un carrefour, la voiture bifurqua sur une nouvelle route, cahotante et compliquée. Après un dizaine de minutes sur de la parodie de bitume, l’automobile s’arrêta, et les deux flics descendirent. Immédiatement, Fergusson écarquilla les yeux.

-C’est ÇA, Jeannot le travelo ? Ce truc ? Dit-il, en pointant un doigt tremblant de surprise vers le tas de chair hachée qui pourrissait au milieu de la voie. Qu’est-ce qui vous dit que c’est lui ???

-La couleur de sa viande. Jeannot à toujours eu une couleur de viande très spéciale.

-Comment pouvez-vous… Bah, laissez tomber. Il n’y a rien d’autre qui vous à permis de l’identifier ?

-Si. Son sac à main par terre, là. Il n’y a que lui qui en a un comme ça, par ici.

-Vous l’avez fouillé, pour être sûr ?

-Euh, non.

Fergusson leva les yeux au ciel, sortit des gants en plastique de sa poche intérieure, qu’il enfila, et se dirigea sans conviction vers la pièce du même nom.

-J’espère au moins que vous avez prévenu le légiste…

-Oui, chef, ça, je l’ai fait. Il devrait arriver d’une minute à l’autre.

-Bon.

Dans le sac qui rôtissait au soleil, l’inspecteur trouva un portefeuille. Il extirpa la carte d’identité, puis secoua la tête.

-C’est bien lui… Pauvre Jeannot. La départementale 69 ne sera plus pareille, sans  sa présence…

Le légiste arriva à cet instant, d’on ne sait où. L’auteur était tellement flemmard qu’il ne prenait même pas la peine de décrire son entrée en détail.

-Bonjour inspecteur, bonjour agent Canine, ça fait longtemps. Qu’est ce que nous avons là ? Tiens mais, c’est Jeannot le travelo !

-Mais comment… Commença de dire l’inspecteur, avant de se raviser. Bonjour, docteur Rictus, ouaip, c’est bien lui. Vous pouvez nous faire un pt’it topo vite fait, avant de l’emmener ?

-Bien sur, répondit le légiste avec entrain.

Il fit le tour du fatras saignant, s’en approcha, le toucha, le goûta, tout en faisant des « hum hum » intrigués.

-Alors ?

-Messieurs, je peux déjà vous affirmer que cette personne n’est pas morte de causes naturelles.

-Merde. De quoi est-il mort, du coup ?

-Je ne peux pas vous le confirmer tout de suite, il faudra que je l’examine de plus près, mais tout porte à croire qu’il a été dévoré vivant.

L’agent Canine devint tout pâle.

-Dévoré… Vivant ? Mais par quoi ?

-Et bien, vu la forme des morsures, leur taille, et leur nombre, je dirais que c’est un rongeur. Plusieurs rongeurs, probablement de petites bêtes, genre lapin, campagnol, cochon d’inde, cobayes. Ça m’a tout l’air d’avoir été fait par…

-Des cuys ? dit Fergusson d’une voix blanche.

-Oui, tout à fait, bravo inspecteur ! Des cuys ! Vous êtes calé en zoologie, dites-donc !

Fergusson ne trouvait plus la force de répondre, et sa volonté de tenir debout s’amenuisait à grande vitesse. Ça ne pouvait pas être possible, pas ici. C’était surement une coïncidence… Oui, une coïncidence. Il ne fallait pas que ça recommence.

-Ça va chef ? Vous êtes tout blême.

-Euh… Oui… Oui… Tout va bien. Doc… Docteur, ramenez ça à la morgue avec le sac à main. Canine, vous restez ici… Regardez si vous ne trouvez pas d’indices supplémentaires… Moi je rentre au commissariat.

Puis, il retourna au véhicule, sans se retourner, et parti en trombe. Le légiste avait déjà chargé tout le bins, avant de disparaître comme il était apparu.

-Et moi, je rentre comment ? Dit Canine, seul au milieu de nulle part.

(à suivre)

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