Texte à l’arrache 365
Jacquot ne savait plus. Il avait passé un an à ecrire texte sur texte, mais aucun ne l’avait satisfait. Il avait voulu faire un monument de littérature, il se retrouvait au final avec des centaines de petits moais qui envahissaient les pièces de sa maison, et le regardaient d’un air grave. « Tout ça pour ça » semblaient-ils dire.
Alors qu’il vidait le contenu de sa dernière bouteille dans l’évier, un souvenir d’enfance revint à sa memoire. Il devait avoir dix ans. On lui avait proposé de tenir un stand dans un vide-grenier, et lui, plutot que de vendre ses vieux jouets, avait eu une brillante idée. Il prit des boites à chaussures, dessina des jeux de l’oie à l’intérieur, et ainsi armé de son concept révolutionnaire, fixa le prix à cent francs pièce. Pas besoin d’être une lumière pour deviner que le four fut complet. Personne ne compris le délire, aucune boitée fut vendue.
Aujourd’hui, il avait l’impression d’avoir fabriqué trois cent soixante cinq boîtes à chaussures. Trois cent soixante cinq trucs, que toutes les explications du monde ne parviendraient pas à justifier. Il était fatigué de la défonce, des muses trop belles et des cons trop con. Dans son bureau, il enflamma une feuille, la jeta dans le tas de papiers. L’incendie prit aussitôt, colorant sa figure d’un rouge d’enfer. Il se divertit quelques minutes de la danse lascive des flammes, puis alla dans sa chambre. Il s’allongea dans son lit, puis ferma les yeux.