Blues de prisonnier russe
« Je suis un évadé
Dans la steppe en hiver
Je suis désespéré
Mais j’espère
Je suis un évadé
Sur un sentier solitaire
Je ne rêve qu’a retrouver
Ma terre
Elle m’en faisait suer et souffrir
Je n’avais qu’une envie : partir
Alors je me suis fait la malle
J’ai sauté la palissade
Je suis un évadé
Dans la froideur de l’air
Ma liberté est à gagner
Mais j’espère
Là-bas il m’ont courbé l’échine
Ils m’ont fait boire la strychnine
au calice
C’était du vice. Plus jamais
Je n’en boirais
Je suis un évadé
Au milieu de nulle part
Nul homme pour m’enchainer
Désormais
Sans famille, sans amis
Sans papier, sans permis
De vivre
Traqué par les loups
Loup parmi les loups
Le coeur gelé d’espoirs
Seul
Dans la taïga
Je n’ai jamais eu aussi froid
Aussi faim
Aussi soif
Aussi peur
Et pourtant
Je suis enfin libre
je suis un évadé
Dans la steppe en hiver
Je peux mourir maintenant
Il n’y a plus de barrière »
Pobeditel Ivanovitch Dvorets (Poésies du goulag, 1948. trad. du russe par Geneviève Johannet)