Festival Aix-en-Provock #3,17-18 septembre 2022. Hoorsees // Jim Younger s Spirit // Bender // Usken // Claque // Piedebiche // Gri Gri // Sable Sorcière // Mumuse // Sandcastle // Loman // Ask the Light // Bipolar Club // MaisonClose

 Dans Chroniques de concert
J’étais pas là mais j’ai tout vu.
Ça se passe du côté de cette ville qu’on appelle Aix en Provock, là où rodent les buffles à claquettes, entre deux facultés de taxidermie. De l’autoroute, on sort du bitume pour s’engager sur des chemins de terre. Les champs de coton deviennent rouges, une ziggourat cernée d’arcades se dresse, impériale, devant nos silhouettes de nains. On est arrivé, on se rend dans la petite cour. Il est de dix heures à dix-huit heures.
Ici, Il y a une bourse aux disques, des centaines de miliers de bacs dans lesquels on trouve, entre autres, des galettes de Triangle, de Septic Vomet ou de Tatsuya Oshida. Sous un platane vert qui se peigne avec une brosse de soleil, successivement Gri Gri trace des vévés vaudous dans le sol, Sable Sorcière soulève des tempêtes de poussière dans la joie et le gothisme rampant, Mumuse fait mumuse avec son bob ricard rose. L’air n’est plus oppressant, moralisant et culpabilisant, on oublie au coin d’une bière, que l’on devient le tiers-monde de la Chine. Pas d’infos radioactives pour nous glapir en douce nos devenirs de péon : Le spectacle du réel reste dans le trou d’où il n’aurait jamais du sortir.
On a bien bu et bien disqué, il est temps de rentrer à l’intérieur de la ziggourat, le festival commence.
Mais vla t’y pas qu’Usken déboule du diable vauvert pour attaquer par la racine les planches de la scène. Ils ne font rien qu’a trip-hopper. Au même instant, tout les zinzins du quartier en train fixer Netflisque, entendent un de leur morceau dans la bande son du film qu’il regardent. Transis d’amour, ils envahissent la ziggourat, où ils périssent broyés par les mâchoires de pierre d’une idole sumérienne. Les fans de la première heure exhultent devant la viande hachée, puis le groupe est porté en triomphe par des adorateurs de Pazuzu.
C’est au tour de Piedebiche d’attaquer à la pince-monseigneur, les cornes de cerfs qui leur servent de cors de chasse pour boucher les silences. Voila que ça couine, voila que ça grince, et les textes scolopendres sortent grouiller à qui mieux mieux dans les conduits du public. Scènes de morsures cérébrales.
Puis Bender vient plier des trucs. Suivant les pointillés, des poutres, des rails, des roseaux, des cactus, et des bassets. Actuel et responsable, le groupe embrasse la mort à pleines dents, avant de la plier également. Des légions de wookies approuvent à renforts de grognements.
Jim Younger’s Spirit succède à la grande faucheuse pour interpréter ses mélopées americananiste. Tout se passe bien, les chemises à carreaux rutilent, quand soudain, stupeur ! on s’aperçoit que le bassiste porte à l’insu de tous un bustier panthère du plus bel effet. Ouuh, sexy. Chamboulements et Hétérogénéités, qui n’auront heureusement pas raison de la cohésion musicale du groupe.
Claque s’impose ensuite, distribuant taquets, taloches et soufflets sur les fesses de passage. Hargneux mais polissons, ils émettent de longues plaintes à l’adresse de la civilisation mourante, qui parle mal et s’habille de même. De nombreuses victimes sont à déplorer parmi les jeunesses crypto-LREMGBAX, terrassées par ces gifles inclusives.
Armés de caddies de golf, Hoorsees vient putter un coup, moustaches dehors et genoux en dedans. On ondule sur le cadavre froissé de la technocratie. Des amis de Devo, présents dans l’assistance, pots de fleurs sur le crâne, protestent, réclament des questions, et attendent des réponses connues d’avance. La dévolution est bien là, mais avance trop vite. La soirée se termine dans la bonne humeur.
En attendant le second soir, on boit de la joie jusqu’à atteindre un niveau de résistance convenable par ces temps sinistres. Il faut des litres. On arrive en tanguant.
Ask the Light ouvre le bal des maudits, en évoquant les moments où nous étions jeunes. Ils étaient merdiques ces moments là, pleins d’angoisses, de solitudes et de télé avalanche. Maintenant, pour les nouveaux jeunes, l’époque est tout aussi merdique, mais en plus il y a le tsunami Internet. Et nous, nous sommes vieux. Mais c’est cool, on est désabusés, on a moins mal au coeur. Assez rigolé.
En un saut périlleux, le ninja Loman s’approprie la scène, installe un projecteur et commence à chanter tel un homme pris de remords. Parfois il projette des shurikens par le truchement de ses cordes de guitare, celle-ci vont se planter profond dans les fronts des wookies, des admirateurs de Devo et des adorateurs de Pazuzu. Ils se noient dans leur propre sang.
La serpillière passée, il ne reste plus à Maison Close qu’a poser ses fondations. Une fois carapatés et les tourelles à créneaux montées, ils écrasent à coup de trebuchets les pubs de merde qui osent se faufiler sur les écrans des smartphones. Et vlan, Caca mademoiselle, et bam Cofadas, et breum Le crédit viticole, et protz les soupes Gerbieg, et chniake les voitures Merdcedes, et sprrl tout le reste !
Une fois la place nette et les téléphones écrasés, venus de la grande et de la petite ourse, Bipolar Club jettent un œil maniaco-dépressif sur l’état de la planète, vomissant gaiment des riffs et déféquant dans la douleur des étrons intersidéraux, rappelant aux hommes que s’ils ont choisi de chier, c’est parce qu’ils ont choisi de vivre. Ainsi, ils parlent d’amour, alors que les hommes ne savent pas ce que c’est. De fait, les BPC s’esquivent.
Ensuite Sandcastle s’amène construire des palais pour crabes avec ses pelles et ses râteaux. Les crustacés visitent les logements et les louent. Pas seulement les habitations, mais aussi les musiciens qui sont très bon, et très doués en architecture. Contrairement au pop’art élitiste, la soirée s’achève sans décadence. L’équipe a assuré, les groupes ont bien joué, l’auditoire a aimé. Dehors, autour de la nuit, le monde des étudiants décrépits crépitouille comme un thanatopracteur brûlé par un conglomérat de femmes pyromanes. Demain, le jour se lèvera encore sur un siècle de managers, et nous n’aurons plus qu’à ramasser les miettes de nos esprits ébréchés.
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