Skeletor consulte

 Dans Skeletor confiné

« Un mont épouvantable, horrible, où les corbeaux,
Laidement croassant, déchiraient par morceaux
Des corps suppliciés les entrailles puantes ;
Là n’étaient que gibets, que potences sanglantes,
Qu’horreur, qu’effroi, que sang, qu’abomination,
Que mort, que pourriture et désolation.
Comme s’y promenait mon âme épouvantée,
Un homme massacré pendait à un gibet,
Si crasseux, si sanglant, si meurtri, si difforme,
Qu’à peine y pouvait-on discerner quelque forme,
Toute sa face était de crachats enlaidie,
Sa chair en mille endroits était toute meurtrie,
Son corps de toutes parts pissait les flots de sang,
Ses pieds, ses mains, son chef, et sa bouche et son flanc,
En jetaient des ruisseaux, les cruelles tortures
Lui avaient tout démis les os de ses jointures,
Sa peau sanglante était cousue avec ses os,
Et son ventre attaché aux vertèbres du dos
Sans entrailles semblait, une épine cruelle
Fichait ses aiguillons jusques dans sa cervelle,
Dont les sanglots bouillons à mesure séchés
Coulaient, barbe et cheveux sur sa face couchés ;
Ce qui restait encor de sa chair détranchée,
Pendait horriblement par lambeaux écorchée,
L’on voyait au profond de ses larges ulcères
Ses veines, ses tendons, ses nerfs et ses artères,
L’on pouvait aisément lui compter tous les os,
Ce n’était qu’un Squelette, un souillé calendos… » (nda : Jean Auvray,1624)

-Bizarre, d’habitude, ça me fait hurler de rire, mais là, rien ? dit Skeletor en refermant son bouquin d’un air soucieux. Il pose la mandibule sur son poing, et souffle longuement…

Désœuvrement complet pour le Seigneur de la Destruction. Hier soir, il a regardé le traditionnel film alimentaire de le la saint Phophoque. Il passait, Inuknacki, le village des saucisses. L’histoire d’un hameau où les habitants font des produits de charcuterie avec les chiens errants qui passent. Lors d’une scène impressionnante, ils faisaient une énorme Leberwurst d’un minuscule chihuahua. Ça donnait un peu faim, mais pas trop.
Le lendemain matin, après son traditionnel petit déjeuner cafés-clopes-calamar, il a fait de vains efforts, que nous venons de lire plus haut, pour retrouver le sourire en bouquinant. Ensuite, il a tenté de visionner pléthore de séries policières ineptes, où des armées de policiers vikings mous de la frite, avec des passifs à faire frémir un pédopsychiatre sous lexomil, menaient d’improbables enquêtes en milles épisodes. Le tueur de gnomes était le beau-frère unijambiste de la soeur hydropathe du maire du village, qui se masturbait en cachette devant le passage des camions-poubelles depuis qu’il avait été agressé durant l’enfance par une benne à ordure pédophile qui se trouvait également etre danseuse de pole-dance à l’église du Grand Raptor Jésus local. Le violeur de lapins nains buvait du café au lait le soir, en regardant les cochons vietnamiens qu’il élevait dans son placard, mais les dits porcs se trouvaient être en réalité deux policiers autistes en infiltration, dont la relation ambiguë les faisaient longtemps partir sur d’interminables discussions philosophiques sur la croissance économique des exploitations de canneberge d’Eternia. La voleuse de couches gériatriques se faisait passer pour le célèbre assassin aux spaghettis, qui le prenait très mal et compliquait la vie de l’équipe d’enquêteurs du département des pâtes à sa poursuite…
Skeletor tentait de visionner, parceque d’une part, il s’endormait toutes les dix minutes et que d’autre part, il était incapable de rester concentré plus de quelques secondes, son regard étant magnétiquement attiré par l’écran de son smartphone. Tant et si bien que le Virtuose du Vice finit avec les orbites en feu et les doigts soudés sur le pavé tactile. C’est à cet instant que nous reprenons le cours de notre narration…

-Aaaah, mais tu vas partir, damné machin ?! Quelle cochonnerie cette technologie,
Maudit miroir noir ! Je savais que cet article sur Kim Karémenshian était de trop ! Mais-tu-vas-te-dé-co-ller-dis !!! Gggnnnnnnn !!! Pff… Plus qu’une solution, l’eau bouillante… Vite, à la cuisine… La bouilloire est prête… Courage, mon p’tit Skoully. À la une, à la deux, à la trouuAAAAAAAHHHHRRRRGGGGHHH !!!
Ooouuuuh, par les cornes du dieu des mondes souterrains, qu’est-ce que ça fait mal… Ça arrache littéralement… Pfou, bon, au moins, ça c’est fait.

Skeletor retourne cahin-caha dans son living, et regarde son reflet dans une vitre.

-Je ressemble au motard fantôme qui aurait mis ses doigts dans une friteuse…*soupir* Quelle déprime ce temps, le ciel est noir de phoques… Il phoque dans mon coeur comme il phoque sur la ville ; Quelle est cette langueur qui pénètre mon absence de coeur, comme disait le poète ? Snif… Ça me file un de ces blouze, le confinement. Que faire docteur ??? Mais oui, voilà ! Je vais appeler mon psy, le docteur Hannibal, lui saura quoi faire ! Euh, par téléphone, c’est rapé, il est complètement bouilli.

Le Futé Azur se saisit de son ordinateur portable, et lance l’application Doctoslib, les rendez-vous médicaux que l’on peut passer en calfouette.

*dring dring*

Le visage sanguinolent du toubib apparaît.

-Allo ?
-Bonjour docteur, oups ! Vous étiez en train de manger, excusez-moi !
-Hahaha, Ne vous excusez pas, mon bon monsieur Skeletor, ce n’est pas grave. Cela fait longtemps que je n’avais plus de vos nouvelles.
-Je me suis absenté quelques temps. À cause de ce qu’il se passe en ce moment…
-Oh, je comprends tout à fait. Triste époque, on ne trouve presque plus personne avec qui diner. Mais que me vaut l’honneur de votre appel ? Toujours vos problèmes d’énurésie qui vous travaillent ? Ce n’est pas sale vous savez…
-Non non, pas du tout ! C’est pour autre chose.
-Expliquez-moi.
-Et bien voilà, depuis que je suis de retour, forcément, me voici bloqué chez moi, et je déprime ferme.
-Approfondissez.
-Ben, je ne trouve rien d’intéressant à faire. Je passe des heures à regarder la télé, je n’ai plus d’idées de domination du monde. Avant j’en avais dix à la seconde…
-Hmmm.
-Bon, c’est pas qu’elles étaient toutes géniales, mais bon ça m’occupait, ça faisait des projets… Des projets qui échouaient systématiquement à cause de Musclor, mais des projets quand même.
-Hon-hon.
-À vrai dire, ça à toujours capoté, même quand il n’y avait pas Musclor. J’ai tendance à toujours mettre tout sur le dos de mes collègues de travail, mais à la réflexion…
-À la réflexion…
-Je crois que cela est surtout dû à mon incompétence ! Depuis toujours, je rate tout ce que j’entreprends ! Je suis un loser ! Un loser-bas-de-jambes !
-Mais non, mais non…
-Mais si, mais si ! Déjà, au primaire, je voulais couper le sifflet à ce frimeur de Musclor, mais ça ne marchait jamais. Il n’y en avait que pour lui ! Musclor par-ci, Musclor par-là, Musclor, Musclor, Musclor ! Qu’est-ce qu’il a que je n’ai pas, docteur ?

La voix de Skeletor devient tremblante, il se met à sangloter.

-Toute ma vie est un échec docteur, snif, je broie du noir sans arrêt, je passe mon temps à m’empiffrer de granolas, j’ai l’impression d’etre en permanence observé par l’oeil de Sauron, qu’est-ce qui ne va pas chez moi ?! Bouhouhouheuheuheuhgnihihihiiiii… Ahlala je me donne en spectacle, j’ai si hooooOOonnntee…
-Allons, allons monsieur Skeletor, prenez une grande inspiration, lààààà. Vous connaissez le syndrome du stormtrooper ?
-Euh, non.
-Vous avez déjà vu Star Wars ?
-Connais pas.
-C’est très simple, dans Star Wars, les soldats de l’Empire ont beau tirer dix mille fois sur les héros, ils ne parviennent jamais à les toucher.
-Ah bon ? Et vous pensez que je souffre de ça ?
-En partie oui. Dans votre cas c’est un peu plus complexe. Je pense que vous êtes atteint du complexe du méchant de serie.
-Diantre ! Et c’est grave docteur ?
-Il va falloir être fort, mon cher monsieur Skeletor, c’est incurable.
-Gasp ! Alors je suis condamné ?
-Il faut savoir relativiser, le sort des héros de série est bien pire, regardez : ils ont pleins de périls à surmonter, des qu’ils ont une petite amie, une famille ou des amis, ils les perdent à chaque fin de saison, tués, zigouillés, violés, empaillés,etc. Et dès qu’il peuvent enfin goûter au repos du guerrier, une nouvelle saison, et de nouvelles tuiles débarquent, ce n’est pas enviable. Enfin, c’est le cas des feuilletons modernes, certes, ça ne s’applique pas dans les Maîtres de l’Univers…
-BoooOOuuUuhahahahaoouuiiinnnn…
-Allons, allons, ce n’est pas si terrible, il y a une plus mauvaise nouvelle .
-Snif…Snif… Ah bon ? Qu’est-ce donc ?
-C’est que notre consultation est terminée. Vous me devez 1250 écus qui vont vous être débité… Maintenant. Voilà. Rappelez-moi si vous voulez que nous parlions de votre relation homo-érotique avec Musclor. Au revoir et bonne continuation. *zbloub*
-GGWWAAAAAAAHHHH !!!!!

Pauvre Skeletor.

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