Tournée Nitwits-Ntwin, partie 1.
Dans le camion, hormis les vibrations et le matériel en train de tanguer en cliquetant, se trouvait deux groupes : Ntwin et Nitwits. Ce taquin de hasard avait fait en sorte que le nom de nos gangs soient quasi similaires, source perpétuelle de confusion. Issus de la même ville, Versés dans le même genre, présentations :
Roland, guitare et chant de Ntwin. Un garçon pétri de douceur, à l’aura tranquille. Regard triste à la Peter Lorre. Sa voix calme qu’un léger accent méridional modulait, changeait sur la scène, son chant envoyait l’auditeur contre un mur incrusté de tessons de bouteilles. Il y avait des morts, du sang sur le crépi. Amoureux du volume fort, celui qui met des fourmis dans le diaphragme avant de l’arracher. Du plaisir pur pour connaisseurs coriaces.
Pia à la batterie. Petit bout aux cheveux noirs, elle savait comment faire balancer la Pearl. Les rythmiques hypnotiques robotiques enchâssaient la mélodie des instruments à cordes dans une armoire de bois et de cuivre. Paf, pan, pshit, crash, les notes ricochaient à l’intérieur du meuble comme des balles de ping pong, prisonnières du carcan imposé par Pia. Décontractée et marrante, elle était en couple avec Roland. Ils n’avaient pas encore eu leur petite fille, enfin je crois.
Un super truc de Pia pour bloquer la grosse caisse : avec du gaffer, on colle au sol des baguettes, juste devant les pieds de l’élément. La bestiole a beau avancer sous les assauts de la pédale, elle bute contre ces cales, et ne peut pas s’enfuir. Beaucoup plus pratique que des parpaings.
Régis, le bassiste. Insatiable ronchon. Ronchon pour le plaisir de maugréer. Maugréant pour la joie de la mauvaise humeur. Du moment où il nous expliqua qu’être détestable le rendait heureux, comme Ren le chihuahua jouir d’être en colère, les partis-pris se sont dégonflés. Des lors, lorsqu’ils soulignait ses grommèlements d’un rictus sardonique, les ricanements fusaient. Autre symbole de son esprit malicieux, il jouait d’un basse hors-sujet, bleu-vert irisée, échappée d’un orchestre de jazz fusion des enfers.
Ntwin dans son ensemble, c’était un super groupe, serré, abrasif, teigneux, balançoire à vertèbres. « Ape », sur leur album éponyme, demeure un de mes morceaux préférés de tout les temps. Ritchie joue dessus.
Parlons-en de Ritchie, chant-guitare lead de Ntiwits, batteur de formation, transfuge de Crumb avec Juan-Lucas. De nous quatre, c’était lui l’artiste avec un grand A. Independant, sarcastique, libre, il possédait ce vitriol caractéristique de John Lydon, Rotten pour les intimes. Un lanceur de poil à gratter. C’est désagréable, oui, mais c’est vrai, coco. Vous n’avez pas l’impression de vous êtes fait avoir ? Au commencement du groupe, nous étions gauches dans nos mouvement. Petit à petit, il a acquis une dextérité de couturière (ce sont les mots de mon ami Fixie Phil), avant d’atteindre la maitrise pure et dure. Surf, punk, discordant, mélodique, son style n’appartient qu’a lui. Il se l’est fait, sans jeu de mot, à la force du poignet. L’incarnation du fait-le-toi-même, sa connaissance du studio, il l’a obtenu dans les forges de la pratique. On a appris tous les quatre, mais lui est parvenu à devenir un pro, à se faire un nom. Ritchie, sur un bas relief sumérien, porterait la barbe et les cheveux longs, torsadés en tuyau, des rois guerriers du commencement des civilisations. Organisateur, planificateur, stratège, le vrai professionnel de la bande.
Juan Lucas, à la guitare rythmique, a toujours eu la subtilité dans l’analyse et l’acuité dans les tympans. Élevé dans une cité, il en avait gardé un côté rugueux qui cachaient la délicatesse de sa sensibilité. Il imitait à merveille l’accent des crapules en survêtement, et lorsqu’il était fin saoul, parlait naturellement comme ça. Le bon son, il savait le repérer, et nous invitait souvent à transer avec lui. Desmond Dekker, Kim Deal, les Cure, Chemical Brothers et consort flottaient dans les vapeurs du cannabis. Grand gourmet de la fumette, comparant le mauvais shit à de la 8.6, et la bonne weed à de la bière de trappiste. Métronomique sur sa guitare, fusionnel avec Matwis et moi, la section rythmique, pour que Ritchie puisse enrouler sur nos armatures ses riffs, ses soli, sa voix, comme autant de guirlandes multiples.
Matwis, à la basse, venait des steppes de la new-wave, battues par les vents, hostiles sauf à quelques branches mortes marquant la solitude enneigée de griffures noires. Un pote du bahut. Je l’ai écrit ailleurs, c’est grâce à lui que je suis rentré dans ce groupe. Ne vous fiez pas a ce portrait monochrome de ses goûts musicaux. Ils s’élargissaient au-dela des loups en longs manteaux hurlants à la lune. On peut aimer Bauhaus et ne pas ressembler à Cesare du Cabinet du Docteur Caligari. À l’école, pour un neuneu de mon genre, qui n’écoutait que du métal et du skatecore, je trouvais qu’il avait des préférences bizarres pour des groupes inconnus à mon bataillon. Tindersticks, ça existe ca ? Et bien oui, mon petit, et c’est très bien. La fin de puberté est d’une intolérance borné. On a pu mieux s’apprécier, une fois le bac passé, dans le sein d’une formation punk-rock. Timide et réservé, il était d’un humour piquant. Sous l’emprise de l’alcool, il devenait destructeur. Je me rappelle l’avoir vu, lors d’un vernissage à la Poissonnerie, Endoume, éclater des rétroviseurs à coup de tatane. C’était rarissime. Sa basse et ma batterie vivaient en symbiose, elles savaient d’avance ce que chacune allait faire, les breaks, les changements de tempi. Le bénéfice de longues heures à boeuffer. Matwis était également tête en l’air, notez cela pour plus tard.
Enfin, il y avait moi, mais je vous épargnerai les coups de pinceaux. Ces textes sont suffisamment recouverts de mon guano pour en rajouter une couche.
Le bus de Roland, celui dans lequel j’étais monté à Saint Joseph, avait des allures de légende. Une ancienne estafette de gendarmerie, elle en avait conservé la couleur cobalt. Ma perception ravagée avait l’impression de voir la rémanence des lettres autrefois collées sur son capot.
Avis aux zicos, ce modèle, c’est un bon plan. Dès qu’une voiture de police nous apercevait, bernée, elle nous évitait dare-dare. « Ciel, la force armée ! » devaient ils se dire en voyant l’engin. À l’intérieur, pour nous c’était tout rose, la bouteille de whisky tournait dans l’aquarium sur fond de rocksteady ou de noise. Ça puait la beu comme a Kingston. Les joyeux loufoques de Ken Kesey auraient aimé ce mystérieux voyage magique.
La tournée avait été préparé par Roland et Ritchie quelques mois à l’avance, ils avaient réussi à coincer du pied la porte de plusieurs salles, où à négocier une date avec d’autres artistes. Roland avait déjà un petit réseau, Ritchie commençait à constituer le sien. On en profitait pour faire la promo de notre deuxième album, le Marécage de la Mélancolie, qu’on avait enregistré à la main, dans notre local. Des sessions intenses, au taquet, 190bpm en moyenne sur les morceaux. Frénétique. Notre effort le plus hardcore. Je me souviens de Ritchie et moi, chacun dans un coin de la pièce, en train de brailler comme des dingues sur la montée de « Kératectomie ». C’est le terme médical pour l’ablation de la cornée. Le disque à bien marché dans les fanzines. La pochette a été dessinée par Jonathan Laval, un des meilleurs peintre-graphiste-prodige que je connaisse.
Pendant l’été, on avait répété par une chaleur infernale. Un entraînement de super guerriers de Dragon Ball Z. Pratiquer dans des conditions extrêmes pour ravager le normal. Hyper difficile, mais ça améliore le second souffle, celui qui permet, lorsque on est au bord de la rupture, de repartir miraculeusement, plus vite et plus fort. L’intensité a besoin d’endurance.
Gonflés à bloc, affamés de dates, impatients d’en découdre, on était féroce comme des harpies. Dans la cage en métal, nous nous sentions libéré de la mélasse du quotidien. Les premiers disques passaient, les premiers joints se roulaient, les discussions s’engageaient, les rires éclataient.
Par delà la pestilence brune de Fos-Septique-Sur-Mer, après le musée du crabe rouillé, nous dépassions notre Comté. La Camargue offrait ses croupes souillées sur le bord de la route. Les moustiques se taisaient sous le grondement du moteur, quelques chevaux paissaient de loin en loin. Roland mettait de la noise, en priorité Sonic Youth, les premiers Blonde Redhead, qui n’avait pas encore pris le virage Jean-Claude Vannierien. Un album précoce de Mickey 3d, encore loin du succès commercial, contenait beaucoup de bruit. Le camion flottait sur l’autoroute, le nuage d’herbe flottait dans l’habitacle, je flottais. Par le pare-brise, je voyais le véhicule manger son couloir de béton violet, animé d’une fringale à n’en plus finir. Les bagnoles passantes sur la file de gauche jouaient à la course où personne n’arrive jamais en tête. Les panneaux, les kilomètres, les sorties sans fin, les maisons, les fermes, parfois un château reculaient dans le rétroviseur. Seule la végétation indiquait les changements de lieux, ses émeraudes se fonçaient et leurs odeurs, aux hasards d’une vitre baissée, arrachaient les poils de nez comme des becs d’oiseaux fous et inconnus lancés à toute allure en sens contraire. Le bassin aquitain aplanissait le décor, nous traversions un ventre de campagne par le tube de l’autoroute. La musique montait, et la défonce aussi. L’impatience galvanisait mes mains, se mettant à taper sur mes cuisses les parties furieuses que je me desséchait d’envoyer derrière mes fûts. Plus vite chauffeur, plus vite ! L’estafette donnait ses cent kilomètres heures avec la volonté d’un vieux cheval de trait, dur à la tache, mais harassé par les ans.
Le doute me prends, à t’on commencé par Toulouse, ou par Bordeaux ? Disons Bordeaux. Comme Kerouac sur la route, je découvrais les grands espaces de notre contrée. Au contraire de ceux de Jack, ceux-ci étaient petits, modifiés et agencés depuis des générations d’occupation humaine. Tout sauf sauvages. Domestiqués. L’autoroute évite les cités, honteuse de sa hideur, rode au large des petits bourgs comme un serpent.
Nous, enfants d’une fin de millénaire, entamions le nouveau à tâtons. Depuis le 11 septembre, la chute des tours, l’impuissance de Spider-man et le grand doute général de l’occident, le vingt et unième siècle faisait table rase en se demandant quelles nouvelles bêtises il allait pouvoir mettre au goût du jour. Dans notre patache, nous ne sentions pas le monde glisser vers une époque, non pas nouvelle, mais régressante, vers une période située entre la chute de l’empire romain et le moyen-âge, un temps de flottement et de bigoterie où les gueux seraient séparés de la cacocratie (car désormais il n’était plus question d’aristocratie), ployant l’échine sur des tablettes noires, croyant être des scribes alors qu’ils n’étaient que des machines. Se déchirant pour saisir des manettes de commandes qu’on ne leur laisserait jamais. Oh, notre époque n’était pas meilleure, loin de là, c’était d’hors et déjà nul. C’est nul depuis toujours. Disons que nous étions juste plus habitués à l’oppression de ce temps-là étant nés dedans. Regardons les choses en face, pour le sous-bourgeois, l’oppression ne fait que changer de parure, suivant son humeur, et elle demeure. Nous jouions dans des décombres.
Le camion c’était une capsule, partie pour un long week-end a 100 dollars, d’où nous observions tourner la planète. Nous les vagabonds, abordions le vrai troubadourat. Nous devrions aller de manoirs en auberges, pour en échange de menues chansonnettes, obtenir le lit et le pain quotidien. Les mots changent, les choses non. La faim demeure. Il faut dormir. Tout les jours. Damnations du vivant.
Pause dans une aire d’autoroute. Nous nous étions déjà arrêtés avant, mais c’est dans la seconde que je pris conscience du vortex spatio-temporel de ces interzones. Des voitures postées aux pompes, des portes coulissantes, une radio vomit la soupe à quatre temps du moment, des rayons de trucs à grignoter sur des étagères au couleurs criardes, des produits locaux, usinés du coin, des sandwichs triangulaires dans des frigos, des jouets moches, des caissiers blasés, un employé répare une des machines à café, des familles, bébés aux bras, gamins au bout des poings, payent leur plein d’essence et leur bouffe infâme. On repart. Quatre cents kilomètres plus tard, nouvelle halte. Des voitures postées aux pompes, des portes coulissantes, la radio vomit la soupe à quatre temps du moment, des rayons de trucs à grignoter sur des étagères au couleurs criardes, des produits locaux usinés du coin, des sandwichs triangulaires dans des frigos, des jouets moches, des caissiers blasés, un employé répare une des machins à café, des familles, bébé aux bras, gamins au bout des poings, payent leur plein d’essence et leur bouffe infâme… Le mot déjà-vu a été inventé sur une aire d’autoroute.
Roland a trouvé sur un présentoir une marmotte en peluche. Animée. Quand on appuie sur le bouton, elle danse et chante un air absurde, disons « sans chemise, sans pantalon » à défaut de se rappeler. On se cotise pour l’adopter. Fièrement placé sur la planche de bord, elle couine son « sans chemise, sans pantalon » jusqu’à Bordeaux.
Des rangées de vignes se ratatinaient sous les nuages océaniques.
Bordeaux. Séjour dans le quartier Saint Michel. On a tourné autour de la basilique et de sa flèche posée à part, en se posant des questions naïves sur la nature de ces édifices. Au nom du père, édifice, et du saint esprit. Le campanile gothique constituait une jolie parabole de l’indépendance du son sur le système en vigueur. À l’Inca, le lieu qui nous accueillait, on partageait l’affiche avec Supercadavre, un groupe local. Quel nom génial ! Le show se passait en sous-sol, dans une crypte voûtée. Normal de jouer dans une crypte avec une dépouille d’exception. Il serait ardu de circonscrire ce combos dans un genre particulier : c’était technique, distordu, révulsé, énervé. En somme, raccord avec le titre. Il n’y avait pas grand monde, les deux autres orchestres faisaient le public.
On a ouvert la soirée. En attaquant par Keratectomie. Nom d’un ibis en chaussettes, les points se sont mis sur les i. Le morceau commencait lentement, avec un riff accompagné d’un roulement de tom basse, et puis ça accélérait, ça accélèrait, ça accélérait, ça accélérait, ça accélérait, ça… Jusqu’a ce que la caisse claire ouvrit enfin le robinet. Paf, c’est parti à fond de train, et ça s’est terminé en armaggedon. Les yeux des mecs de Supercadavre se sont ecarquillés. En s’approchant de ces regard, on s’apercevait que les parties noires de l’iris était des lettres, et que ces lettres écrivaient « ouaputincékoicetruc ! » Epatant.
Après la soirée les charognes exquise ne cessaient de se flageller, comme mes comparses de Supertimor. La méthode consistant à se couvrir d’ordures dans l’attente d’être repêchés, et nettoyé. « Mais non, vous n’êtes pas si sale, au contraire vous êtes propres, regardez, vous êtes brillant parmi ces détritus. » Je les comprends. Parfois, souvent, perpétuellement, l’indifférence du public est injuste. Nombreux sont ceux qui se frictionne avec les artistes mythiques, les inconnus géniaux. Ces personnages devenus vénérés après leur mort, les Van Gogh, les Cobain, Les Séraphine de Senlis, etc. La liste des maudits et des maudites est longue. Rousseau et La Bruyère s’en désespéraient.
Le penseur d’estaminet proclame : « Oh, mais si MOI, j’avais été là, j’aurais repéré le génie. » Tu parles. Rien que ce pays grouille de groupes vraiment excellents dans tous les coins, et 99% de la population s’en tamponne le coquillard. Pendant mes pérégrination, j’ai pu avoir un aperçu de la partie immergée de l’iceberg, et qu’importe le style, elle est immense. Les labels indes font ce qu’ils peuvent.
Quand viendra le Howard Hughes de la musique populaire française ? Ah, las, je crains que même si il vient, il y aura toujours de l’injustice. Au fond, je voudrais que personne, de ma guilde ou d’ailleurs, n’ait plus a s’inquiéter du manger et du dormir, mais ça… Je ne suis pas un faiseur de miracle, alors je vais me taire. Vaillance, mes semblables, votre récompense sera grande dans le ciel.
Nous étions trop nombreux pour tenir tous dans l’appartement où nous étions hébergés. Roland et Regis décidèrent de passer la nuit dans le bus, avec la marmotte. C’était encore l’hiver. Ils ont revêtu leurs gros anoraks, ont pris une bouteille de whisky. On leur a dit « à demain ». La marmotte a répondu « sans chemise, sans pantalon. »
En orbite depuis plusieurs heures, défoncé au shit, je m’enterrais dans mon sac de couchage. Derrière mes paupières closes, les images mentales ont commencé à se s’associer : nébuleuse remplie de gaz, extra-terrestre, nébuleuse, nébuleuse, vapeurs, vapeurs, rémanence rouge, rémanence grise, rémanence, visage de pierre, moai, moai, zoom sur une tête de moai, sur son œil humain et palpitant, palpitant, vivant, sur ses nervures, ses veinules, ses veinules palpitantes, rémanence, palpitantes rémanence sur ses synapses internes, palpitants, palpitants, pom-pom, pom-pom, le cœur, palpitant, palpitant, rémanence, palpitance, rémanent ouverture dans le cœur de moai aux yeux vivants, vers, vers vers une autre nébuleuse, une autre lumière, rémanentpalpitantrémnentpalpitantrémanentpalpitantrémanecpalpitence, une autre lumière. VLAN !
Je me suis pris un flash, un vrai flash, comme un coup de tonnerre sur ma rétine, avec la vigueur d’un électrochoc. J’ai été pris d’un spasme. Ouah, là j’ai un peu abusé, me suis-je dit. Mais malgré l’alerte, le délire était si empli de secrets, je tenais le voile et j’étais sur le point de le soulever, si près d’aller plus loin, que je n’en fus que plus excité. Il y avait quelque chose à voir, une idée lovecraftienne, une compréhension pour laquelle j’étais pret à me de détacher du réel et de la raison. Mais je me suis finalement endormi.
Le lendemain, on a retrouvé le duo Roland Régis. Quasi morts de froid, ils n’avaient pas dormi de la nuit. Une fois bourrés de boissons chaudes, demi-tour, direction Toulouse.
Un super squat nous recevait dans la ville de Ticky Holgado, les Pavillons Sauvages, une poignée d’anciennes villas autrefois réservées à des militaires. La structure était fondue dans le quartier, ils faisaient des tas d’activités, même garderie pour les enfants. Nos affaires déposées, petite excursion en métro. On avait le privilège d’être interviewé par une radio locale, un bon moyen d’inciter les gens à venir nous voir. Au micro, Ritchie et moi n’avons pas pu s’empêcher de dire des incongruités, j’ai même pris un accent allemand de waffen a un moment. Il y a des fois où il vaut mieux éviter le quarante-deuxième degré. Outré, l’animateur s’est levé, à voulu me coller une droite. Faisant un pas de côté, adoptant le style de la mante religieuse, j’ai d’abord attrapé son bras, puis de ma main gauche, majeur, index et pouce formant une pointe de faucille, j’ai frappé à la jugulaire. La veine a éclaté, une tache violette s’est formée sur le cou. En reculant, les mains sur la gorge, il a envoyé valdinguer les chaises. Par réflexe, tout le monde s’est levé. Les casques se sont débranchés à cause de la traction. Lui a trébuché, et en tombant, s’est fracassé la tempe sur le bord de la table, avec un « TEUD! » sonore qui a du très bien sonner dans les enceintes des auditeurs. C’est complètement faux. Nous avons tous rit jaune, j’étais à la fois fier et consterné de mon eclat de voix nazillard, j’ai fermé mon clapet, et on a terminé l’émission. Il n’y avait pas de quoi fouetter un schtroumpf à lunettes
Non loin du Capitole, un fast-food nous a offert ses hamburgers gras. Retour aux lieux occupés.
Le concert se déroulait dans le salon d’une des maisons, drôle d’impression, le post modernisme qui distancifie tout n’existait pas encore. Les concepts originaux dont se gargarisent n’importe quelle publication existaient déjà au moins (au moins) dix ans avant qu’elle les découvre. Cabwaylingo, avec sa main atrophiée et sa tristesse à ouvert le show, ensuite Ntwin, ensuite nous. Nous fûmes violents et bons. Matwis, saoul, cassa un porte-bible. Je crois qu’on a simplement tout cassé.
Les toilettes étaient dans un autre bâtiment, le vrai squat était là, c’est a dire plein de gens en train de faire plein de choses , la cuisine, le ménage, le droit, la planification. Ils avaient des mines sévères et l’air agacé d’avoir un intrus dans leurs pattes.
Le coucher, c’était dans le même appartement où avait eu lieu le concret : des matelas jetés dans une pièce attenante , comme une cellule de junkies. On a partagé un calumet, plaisanté, dormi. Le lendemain, on est parti à Lyon par l’aorte de l’autoroute du soleil.
Un peu l’angoisse, le gig de Lyon. La salle était dans un lieu semblable à l’hôtel de la musique, des locaux de repet’. Pas grand monde, sinon des musiciens qui rentraient chez eux. Ça caillait. En guise de repas, salade de riz et barquette de jambon. Ugh.
Mon cousin, Gina et sa cousine sont venus. Gina avait fait le déplacement exprès pour me rejoindre quelques heures sur la tournée. On a joué, c’était sympa, un peu bruyant pour les cousins/cousines. On avait dû mettre un truc dans le verre de Gina. Encore tout suant, elle m’a littéralement kidnappé. J’ai juste eu le temps de dire aux copains que je ne dormais pas avec eux, elle me jetais dans un taxi. « Hoho, je vais passer à la casserole ce soir » me réjouissais-je en me faisant câliner dans la voiture par ma chère et tendre. Le fiacre noir cabotait le long des trottoirs, jusqu’à la rue de la Re. On est arrivé à l’appart que nous prêtait Anne, sa cousine. Gina s’est déshabillée, jetée sur le lit et… Zzzzz, c’est endormi comme une masse. Une autre fois, Vinzo.
Le lendemain, j’ai rejoins la troupe, fraîche et disposée, devant de bons sacs remplis de bon croissants. La prochaine étape ; Saint Etienne.
(Alors que j’écris ces lignes, je me rends compte que je me souviens de si peu de choses, que les doctes et les moralisateurs pourront m’arguer que le tosh m’a frit les neurones. Certes, mais ils n’auront pas complètement raison. La faillibilité de ma mémoire m’indique que je suis déjà au crépuscule de ma vie. Mais qui ne l’est pas ?À suivre)