Histoires Étranges du Quotidien 6. Le fantôme de Bérénice.

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À Bayonne, dans le département des Pyrénées-Atlantiques, vivait un riche notaire du nom d’Alcide Questeur. Il avait une fille nommée Bérénice. Elle était belle et intelligente, et lui voulait pour elle le meilleur. Les plus hautes études à Paris furent donc financées, et elle décrocha un diplôme lui garantissant une situation confortable. Peu de temps après, elle se maria avec un chirurgien esthétique qui, Ô joie, plut à la famille. Ainsi, il vécurent heureux pendant cinq ans. Ils eurent un enfant. Mais au bout de la sixième année, Bérénice tomba malade de la grippe et mourut.

La nuit suivant les funérailles de la malheureuse, sa fille encore petite affirma que sa maman était revenue, qu’elle était dans la chambre à l’étage. La mère lui avait souri, mais n’avait prononcé aucun mot. Le malaise saisissant la fillette la poussa à s’enfuir. Aussitôt, des membres de la famille montèrent. Ils furent subjugués : à la faible lumière d’une veilleuse, la défunte apparaissait. Elle se tenait debout devant une commode, qui contenait encore ses affaires, de beaux habits très chers. Ils apercevaient distinctement sa tête, se épaules et sa taille, mais en dessous, le reste s’effaçait, comme sur une photographie ratée.

La panique fut générale, et la troupe sortit sans demander son reste. Au rez-de-chaussée, on tint conseil. La mère du mari de Bérénice déclara : « c’était une personne qui était très attachée à ses possessions, Bérénice adorait ses vêtements, elle est peut-être revenue les contempler… Les fantômes font souvent cela. Il faudrait que nous apportions ces robes et ces chemises au rabbin, il saura comment faire pour apaiser son âme en peine. »

On fit la chose le plus rapidement possible. Des le lendemain les tiroirs furent vidées, et tous les frous-frous de Bérénice furent amenés à la synagogue. Mais le soir d’après, elle revint, et fixait toujours la commode. Et ce fut pareil le soir suivant, et le soir suivant, et le soir suivant, et tous les autres soirs… La maisonnée s’emplit de terreur.

La mère du mari de Bérénice se transporta à la synagogue, raconta au rabbin tout ce qu’il s’était passé, et demanda de l’aide. C’était un vieil homme très cultivé, répondant au nom de Mordechaï. « Il y a quelque chose qui doit la préoccuper, dans ou à proximité de ce meuble, » dit-il

« Mais il n’y a rien à l’intérieur, nous avons tout retiré » protesta la femme.

« Dans ce cas, » ajouta le rabbin Mordechaï « il faut que je vienne chez vous ce soir. Je veillerai dans la chambre, voir ce que je peux faire. Pendant ce temps, personne ne devra y entrer, à moins que je n’appelle. »

L’homme pieux arriva à la maison, à la fin du crépuscule. On avait préparé la chambre pour lui. Seul il resta, lisant la Torah, et il ne se passa rien jusqu’à deux heures du matin. Seulement alors, se surlignèrent les contours de Bérénice. Son regard triste regardait la commode.

Le ministre du culte prononça la formule kabbalistique appropriée, puis s’adressa à l’apparition :

« Je suis venu pour vous venir en aide. Cette commode renferme quelque chose qui vous tracasse. Voulez-vous que je cherche pour vous ? »

D’un mouvement de tête presque imperceptible, l’ectoplasme acquiesça. Le rabbin se leva, ouvrît le tiroir du haut : rien. De même avec tous les autres. Il fouilla méthode derrière eux, sous eux… À l’intérieur du meuble. Absolument rien. Pourtant l’esprit persistait à contempler le rangement de son regard triste.

« Que peut-elle bien vouloir ? » se demandait Mordechaï, perplexe.

L’idée lui vint qu’il y avait peut-être quelque chose sous le papier peint qui tapissait les tiroirs. Il déchira celui du tiroir du haut : rien ! Ceux des deuxièmes et troisièmes tiroirs : pas plus. Mais sous celui du plus bas d’entre eux, il trouva une lettre.

« Est-ce ce cela la cause de vos tourments ? » demanda-t’il en l’agitant devant Bérénice. Ses pupilles froides se braquèrent dessus. « Désirez-vous que je la détruise pour vous ? » ajouta-t-il. L’image du visage se flouta tandis qu’il opinait. « Très bien. Je la brûlerai des ce matin à la synagogue. Personne ne la lira, sauf moi. » Bérénice sourit et se volatilisa.

L’aube se levait quand le rabbin descendit les escaliers. « N’ayez plus d’inquiétude » dit à la famille qui attendait fébrilement. « Elle ne se manifestera plus. » Et en effet, on ne la vit plus jamais.

La lettre, qui datait de l’époque des études de Bérénice à Paris, fut brûlée. Jamais le rabbin ne révéla son contenu.

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