Skeletor déchaîné

 Dans Skeletor confiné
Apocalypse. Vision infernale. Skeletor terrorise des foules entières, et sème la desolation à grande enjambée, comme une meute de chiens déchaînés à lui tout seul. Partout dans le royaume d’Eternia, des vastes plaines agraires aux boulevards métropolitains, des montagnes inamovibles aux vagues impermanentes, armé de son épouvantable bâton de Havok, il fait régner le feu, la lave, la dévastation. Et ça le rend Heu-reux. Il exhulte, il exalte, il s’explose, il s’éclate, il jouit, il va au beurre, il s’envoie en l’air, il grimpe au rideau, il s’accroche au lustre, il met les chaussettes à la fenêtre, il attache le jambon au clou, en un mot il prend un panard d’enfer. Enfin, la liberté. Enfin bouger sans masque, sans attestation, sans permis, sans culpabilité, sans déprime, sans peur du virus, sans ennui profond, sans soumission, sans compromission. C’est fi-ni ! Alors pour célébrer, Skeletor est sorti, bien décidé à rattraper son retard sur son travail, à savoir prendre le pouvoir par le truchement de l’éradiquation systématique de tout eternien refusant sa botte. En voici un petit groupe qui tente de s’enfuir…
-Au secours ! À l’aide ! Maman !
-En v’la de l’aide, les poussins ! *foutch!* mouhahahahahaarrr !!! Et toi, *foutch!* Toi, *foutch!* Et toi… *foutch!* aussi !
Scènes d’armageddons ragnarokesques absolues. Sous un ciel bruni de flammes, Skeletor chante un air guilleret, tout en pulvérisant les masses.
-Et ça fait *foutch!* et ca fait *foutch!* ça fait du bien…
Et ça fait *foutch!* et ca fait *foutch!* ça embête le voisin !
*Foutch!*
Mouhahahahahahahahahaaaarr !!!
La progression du semeur de crainte et de tremblement le mène jusqu’au grand ensemble de Moche-les-Grands-Clapiers. Entre les bâtiments répétitifs, de jeunes relégués urbains, des durs à cuire, bras de survêtement retroussés et armes diverses à la main, se tiennent devant l’Horrible Humanoïde, prêts à en découdre. Impressioné par tant de bravoure, Skeletor lève une main en signe de cessez-le-feu.
-Ola, les loubards de cités, vous m’avez l’air moins pleutres que vos concitoyens. Qui est le chef ? Je veux lui parler.
Concertation et chuchotements un peu etonnés dans le camp adverse. Finalement, on se met d’accord. Un type énorme, grand, gros, gras, au poitrail de pit-bull, couvert de cicatrices et de chaînes en or, fend la foule et s’avance avec une démarche de brontosaure grognon. Il se plante à quelques centimètres de notre destructeur de monde préféré. Du haut de sa taille considérable, il toise le crâne craignos, ses yeux patibulaires lançant des éclairs vers les orbites du bleu bandit.
-C’est toi le patron de ces blousons noirs ? dit Skeletor.
Le visage crispé de colère du colosse opine lentement.
-Ta mère la goule en ski ! hurle-t-il soudain d’une voix de stentor.
-Oui, ma maman aimait les sport d’hiver, et alors ?
-Euh… Ben…c’était censé être une insulte.
-Ah, ok.
*foutch!*
Le costaud est immédiatement réduit en poudre. Annihilation. Stupeur. Subjugation. Malgré les efforts courageux des survivants, Skeletor zappe la ZUP.
Alors qu’il reprend sa balade vers le centre-ville, il est intercepté par l’armée, forte de deux cents milles soldats, tanks, chasseurs et autres accessoires. Les mégaphones n’ont pas le temps de vibrer que déjà deux cent milles *foutch!* ont résonné. Un nuage de cendres s’en va gonfler les cumulonimbus chargés d’eclairs.
Skeletor arrive en vue du palais d’Eternia quand tout à coup un karatéka mal rasé, au torse-velu, surgit de nulle part et se campe fermement devant la menace. C’est Cheuk Maurice, l’artiste martial invincible.
-Halte Skeletor, ne met pas les pieds ici ! clame-t’il, autoritaire.
-Mes pieds je les mets où je veux, et c’est souvent dans la gueule !
-Mais, hé c’est ma réplique ça ! Sale voleur ! Tu n’as pas le droi*foutch!*
-Bla bla bla… Suivant…
-Tremble, seigneur du chaos, tu ne passeras pas !
-Qu’est-ce que c’est encore ?
Ce sont les Vengeurs, les compagnons d’élite de Musclor. Ils sont tous là : Le Maître d’Armes, sa fille Tila, Bélios, Stratos, Fistos, Nullos, la Sorcière, Capitaine Constate, L’Homme-Doryphore ainsi que Blatteman. Si Godzilla reflète la menace de la bombe atomique, eux sont le fantasme incarné des impuissants eterniens. Mais l’heure n’est pas aux analyses cinématographiques…
-Salut, les Rongeurs. Alors, ça biche ?
-Grrr !
Aussitôt, Bélios le charge, mais Skeletor le saisit à la gorge et le soulève du sol.
-Gasp !
-Hinhinhin… Tu suffoques, sous-phoque ! Allez, ouste. Retour à la bergerie. Et d’envoyer Belios s’encastrer dans un mur…*schpruytz*
-Tous sur lui ! Yaaaahh !!! éructe le reste de la troupe.
On sonne la charge. Une foules de lasers, cannettes et projectiles divers fondent sur Skeletor. Lui, désinvolte, d’un même mouvement, exécute un splendide quadruple saut périlleux carpé vrillé, et foutchise les empêcheurs d’occire en rond.
*FOUTCH!*
-Et voila le travail…
*VLAN!* fait la porte des appartements princiers, lorsque Skeletor l’enfonce d’un coup de latte. Musclor est encore en train d’enfiler sa tenue quand sa némésis le jette à terre, la mire du bâton de havok vissée sur le front du champion d’Eternia.
-Ha Musclor, enfin je te tiens ! Blinis sans famille ! Blême Blette Biélorusse ! Ta croupe est sous ma coupe et tu es démasqué ! J’avais déjà des doutes quand tu envoyais des mails licencieux à Panthor, mais maintenant, j’en ai la preuve irréfutable : ton tatouage invisible de pangolin ! rugit Skeletor en braquant une lampe à UV sur la fesse de son adversaire battu. Immédiatement apparaît le dessin d’un manidé dans une pose explicite, accompagné du message, en lettres gothiques : Aïe Lauve Tou Pheuque Penguaulain…
-Haha ! Non seulement tu es zoophile, mais en plus… C’EST TOI QUI A PROPAGÉ LE VIRUS !!!
-Anfaire é damnassion, je sui fé !
-Prépare-toi à mourir, enfourneur de fourmiliers !
-Pitiez ! Ailpe !
-MOUHAHAHA*spalsh!*
Inexplicablement, Skeletor se retrouve sous une cascade qui lui déverse des litres d’eau sur le râble. Dans sa main, il tient un flacon de gel douche, et de celui-ci s’échappe une forte odeur de fauve…
-Que…Que… Ha ! Non ! Panthor ! s’exclame Skeletor en se réveillant. Je t’ai dit cent fois d’arrêter de monter sur le lit pour me lécher la figure, berk ! C’est dégoûtant, j’ai des poils plein les dents ! Allez, file, pshh !!
La panthère s’en va penaude, tandis que le méchant confiné reprend pied dans le réel. Au loin, il peut entendre le ronflement sourd des hélicoptères de la garde eternienne en patrouille, le grésillement mélancolique des ampoules de réverbère, et les premières paroles étouffées des eterniens, retenues prisonnières des masques matinaux.
-Ce n’était qu’un rêve… Un rêve merveilleux… Si je pouvais me rendormir et le retrouver… Hélas… *soupir*
Pauvre Skeletor.
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