Le point J

 Dans Nouvelles

(Idée/concept : Gina.)

 

Jésus lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée.  C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes. (Mathieu 22:37-40)


Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains aussi n’agissent-ils pas de même ? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? (Mathieu 5:46 47)

 

 

Et comme si Dieu avait voulu donner le coup de pouce nécessaire, la parole fut entendue.  Sitôt la résurrection de Jesus, Il apparut aux foules. La légion même le vit. Alors les habitants de Jérusalem se mirent à croire qu’il avait bien été le Christ. Les pharisiens furent convaincus quelques jours avant, lorsque le voile du temple se brisa, à l’instant même où le nazaréen expira. La transfiguration eut lieu devant un public bouleversé. Il ne fallut pas plus de quelques semaines avant que les publicains et les gentils des alentours ne se convertissent également à la Parole. Ce fut le Grand Chamboulement. « Pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font », avait-il dit en expirant, et le peuple sut ce qu’il avait fait. Ce gigantesque sentiment de culpabilité se transmit génération après génération.

 

Meme les plus féroces généraux romains se retrouvèrent impuissants dans leur répression : les gens prenant le commandement au pied de la lettre, se laissaient massacrer en disant, les bras ouverts « ennemi, nous t’aimons ! ». De guerre lasse, vaincus par leurs victoires sans gloire, ils s’abandonnèrent à la paix. L’empire se transmuta définitivement quand l’empereur Néron se convertit, la nommant de fait religion officielle. Le désir de conquête des latins mourut. Lentement, Rome se dépeupla. Le monde méditerranéen fut entièrement acquis.

 

L’amour se répandait comme une peste, siècle après siècle, grignotant le terrain vers chaque point cardinal.  Les invasions barbares se diluèrent dans la masse des croyants. Les envahisseurs, se rendant compte après leurs premiers raids, que les migrations de leurs peuples étaient accueillies avec bienveillance, lâchèrent leurs armes. Goths, Wisigoths, Ostrogoths, Vandales, Suèves, Lombards, Huns, Horde d’or, Mongols… Malgré le renversement régulier du trône par plusieurs populations plus belliqueuses que les autres, ces velléités se retrouvaient rapidement annulées par la passivité des chrétiens. Les tueries n’y faisaient rien, il restait toujours au moins une souche du virus vivant. Attaquer le territoire du Christ revenait à plonger dans une piscine d’acide bouillant. Les envahisseurs entendirent la Parole, délaissèrent leurs panthéons farouches, et les chairs ramollies, succombèrent à la force irrésistible de l’Amour.

 

Les celtes de Grande-Bretagne résistèrent, mais Saint Patrick finit par avoir raison de l’influence des druides et des bardes, par son apostolat et ses miracles thaumaturgiques. De l’Irlande, simplement équipé de sa canne, accompagné de cohortes de convaincus, il traversa la Muir Éireann en passant par l’île de Man, puis gagna la terre des Bretons. En moins d’une cinquantaine d’années, le christianisme devint la norme. Tel un raz-de-marée il recouvrit l’Europe, asservit les peuples slaves, baltes, la Scandinavie hirsute. Tous capitulaient devant la tendresse et la compassion.

Il s’étendit en Afrique, traversant le Sahara avec les Touaregs et les tribus nomades puis, de tribus en royaumes, de guerres stoppées en sorties de conflits, comme une mèche allumée, imbiba la savane, embrasa la jungle, descendit jusqu’à la Hoerikwaggo.

 

Simultanément, le phénomène s’étala vers l’orient. Sans mal il s’annexa l’Arabie heureuse, l’Anatolie, la steppe pontique, le Caucase, L’Oural. Franchit la vallée de l’Indus, les mille divinités hindoues furent mises au rebus. Il fusionna avec le bouddhisme, et dévala l’Himalaya pour dégringoler sur l’Asie.

 

L’empire du milieu vit la chose avec défiance, tenta de contenir le déferlement d’illuminés pacifiques remplaçant les serfs tremblants en réfractaires sereins. Les missionnaires mourraient en masse, mais la graine qu’ils plantaient finissait par pousser comme du sénevé, annihilant l’autoritarisme et les rapports brutaux. Le confucianisme n’y résista pas, le taoïsme ne survécut que sous la forme de recettes d’onguent. L’empereur Wu Di embrassa la foi.

De tous les endroits de la planète, c’est l’archipel du Japon qui fut le plus récalcitrant à l’invasion monothéiste. Un quasi-millénaire ne suffit pas à entamer son coriace esprit insulaire. L’inquisition shintoïste brûla des dizaines de milliers de craignant-dieu, et l’empire ferma ses rives à la moindre embarcation étrangère. Ces siècles de confinement permirent une avancée significative des technologies, de l’arquebuse à un embryon de révolution industrielle, mais ces progrès firent enfler démesurément l’orgueil du Shogun. Celui-ci se mit en tête de conquérir le continent. L’invasion de la Corée fut un éblouissant carnage, mais un grand nombre de soldats revint contaminé. En l’espace d’une décennie, les métastases galiléens avaient saturé le corps entier de l’empire du soleil levant.

Décidé à passer l’océan pour prouver la rotondité de la terre, ainsi que l’avait théorisé les savants grecs, une coalition de navigateur partit vers le soleil couchant. Elle atteint le nouveau monde en débarquant sur l’ile de Wai`tukubuli, habitée par les kalinagos. Le contact s’établit facilement, les deux groupes étant de mœurs paisibles, et cohabitèrent. Malheureusement, une épidémie de grippe exogène extermina les autochtones jusqu’au dernier. Lorsque les explorateurs chrétiens touchèrent le continent principal, ils le nommèrent Kalinagie, en l’honneur de leurs hôtes généreux. Le nom resta, et se propagea dans les cosmogonies des nations indigènes.

Hernan Cortes, avec une poignée de moines, parvint à convaincre Moctezuma II, monarque des Mexicas, d’abjurer ses anciennes croyances. Les sacrifices humains cessèrent, de même que les hostilités entre cité-états. Les peuples voisins exultèrent : les cruels dominateurs avaient cessé leur commerce de sang. Le message venu de l’ancien monde ne fut que mieux accepté, les visiteurs se mêlèrent à leurs hôtes, leur offrant, en plus de l’Amour, un système immunitaire qui finit par avoir raison des pestes mortelles. L’entraide et le partage s’acclimatait très bien avec les us des peuplades locales, souvent chasseuses et itinerantes. Cheerokees, Pawnees, Shoshones, Apaches, Cheyennes, Paiutes, Navajos, Utes, Shawnees, Seminoles, Mic-Macs, Hurons, Iroquois, Crees, Pueblos, Quechuas, Mayas, Nazcas, Guaranis, Arawas, ChibChabs, Mapuches, Incas, Patagons… Presque autant de tribus que de générations entre Jesus, David et Dieu.

 

Tasman, pour sa part, atteint le continent austral. Les Anangus, qui vivaient sur cette terre quasi-désertique, peuplée d’animaux étranges, n’eurent aucun souci à laisser s’installer les visiteurs, qui n’empiétaient pas sur leurs chasses, ne troublaient pas leurs rêves et qui occasionnellement, se laissaient déplacer à coup de sagaies, comme du bétail docile. Leurs hôtes finirent même par adopter leurs croyances venues de par-delà les mers.

La passivité de cette position idéologique coûtait cher en vie mais finissait par épuiser psychiquement les plus violents. Au bout d’un moment, elle régna sur la terre entière, à part chez quelques communautés inuites du Passage du Nord-Ouest, des groupements des iles Andaman, et des collectivités de l’Amazonie, trop inatteignables pour être vraiment touchées. Là, il y avait encore des conflits ou des guerres tribales.

Les philosophies se diluèrent dans un système de croyance qui les acceptait toutes, pour peu qu’elles s’accordent avec la volonté de bonne entente avec les hommes. Le cynisme n’avait plus lieu d’être. La doctrine était si forte, qu’il n’y eut presque pas de docteur de l’Église, quasiment aucun martyr. Les épitres de Paul eurent un impact minime, laissant juste le souvenir d’un croyant zélé, bon écrivain, mais trop autoritaire. Augustin d’Hippone fut connu en tant qu’inventeur de l’autobiographie. Les anciens dieux devinrent des pièces de musée, un ramassis de billevesées, balivernes, et calembredaines décoratives.

 

Pendant ce temps, Le Messie venu et avéré, le judaïsme perdura, mais sur un mode différent, comme complété de ce qu’il avait attendu pendant des siècles. Il accueilli le christianisme, fusionna avec lui, les synagogues devinrent des églises, les églises des synagogues (même si le temple principal demeurait le cœur des Hommes). Au-dessus des symboles chrétiens, charrue, couronne, char, poisson, palme et croix, l’étoile de David figuraient comme l’œil de Dieu tout puissant, unificateur de l’humanité. Ces endroits devinrent une hybridation entre le lieu d’étude et de culte. On étudiait le Talmud et on célébrait l’eucharistie. On circoncisait et on communiait.

 

L’islam n’exista jamais, ou plutôt, se résuma à un contraste esthétique. Mahomet fut visité par l’archange Gabriel, pour sceller le monothéisme et la précédente venue du messie, introduisit l’ascèse du Soufisme, en vue de purifier son âme et se rapprocher des autres pratiques gnostiques. On révérait Eli et les autres prophètes, et en croissant, le culte se panachait de tout un florilège de traditions, rites, et superstitions, selon les latitudes. Il n’y eu pas de schisme car il n’y eut pas de doute. En vérité, il n’y avait pas de système religieux organisé, si ce n’est celui hérité d’Israël. Pas de centralisation, pas de chef spirituel. Pas de villes saintes, car Jésus avait dit à la femme samaritaine : « Femme, crois-moi, l’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père ». Il y avait cependant des pôles où l’on pouvait se rassembler pour communier en grand nombre : Jérusalem, La Mecque, Marseille, Madrid, Kiev, etc.etc. L’humanité se métissa en douceur, au point où il n’y eu plus qu’une seule ethnie : celle des hommes et des femmes de bonne volonté.

 

Avec l’évangélisation générale, on pouvait parler de mondialisation avant l’heure, du moins sur le plan spirituel. D’un point de vue technologique, la courbe de progression était nettement moins élevée. Sans guerre, sans lutte de classe, sans économie, il n’y avait nul besoin d’inventer sans cesse de nouveaux moyens de domination. Les dernières innovations significatives dataient des derniers peuples guerriers, travail des métaux, ingénierie, explosifs, médecine, navigation. Gutenberg imprima bien sa bible dans les temps. L’extraction des matières premières se faisait sur la base du volontariat. Les mineurs, les casseurs de pierre, les scieurs de marbres étaient bien nourris et bien logés, de façon à ce qu’ils soient le plus contents et tranquilles possible. Jesus n’avait-il pas dit « Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre » ?

 

Cahin-caha, l’humanité mis environ cinq milles ans à maîtriser l’électricité et la mécanique. Cela pris la forme d’une domestication plus sophistiquée de la nature. L’élevage d’anguilles électriques en bassin permis la création de centrales, alimentant les contrées, permettant l’éclairage public, puis l’alimentation d’appareil ménagers. Les courses de limaces et d’escargots, distraction populaire, généra une sélection des spécimens qui mena à la création de gastéropodes géants. Ces derniers, conditionnés et équipés, devinrent des moyens de transports efficaces. Ainsi apparurent bus, métros, trains, transports de fret.

 

L’art, au contraire, sembla connaître un âge d’or sans fin. Motivés par la foi, la peinture, la musique, l’architecture, la poésie se surpassaient perpétuellement, dans une quête toujours renouvelée de la transcendance. Il y eut donc des cathédrales de pierres, de couleurs, de mots, et de notes. Les œuvres profanes gardaient une ingénue simplicité, pour le délassement mérité des peines quotidiennes. Le soir venu, au son des fifres et des guitares, on dansait comme des enfants sur des mélodies naïves.

 

Au début de l’expansion du Christianisme, il mourrait tant de croyants, à cause des massacres, des réprimandes et des persécutions, que les préceptes majeurs étaient respectés a la lettre. Ils étaient très simples : abandon de la loi du Talion, exhortation à ne pas juger son prochain, l’amour du prochain comme soi-même, seul l’adultère avait été explicitement condamné par Jesus. « Tout homme qui regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur. »

 

Il n’était pas difficile de comprendre que la question du sexe importait peu, la place de l’homme et de la femme était interchangeable.  Le jugement étant condamné, de fait, toutes les sexualités étaient tolérées. Cet assentiment renforça le conformisme des gens. Ils devinrent de conventionnelles petites photocopieuses qui s’accouplaient comme de petits rongeurs, en poussant de petits cris aigus. Oh, certes, pour suivre Dieu parfaitement, la chasteté était encouragée, nombreux étaient ceux qui se castraient volontairement, par tous les moyens, pour se mutiler leur part de luxure, pourtant les infertiles naturels étaient doucement, gentiment mais fermement, ostracisés. On les invitait à se rendre dans des communautés spéciales, dégagés de tout labeur, où ils restaient ensemble jusqu’à la mort. La non-violence annula finalement la notion de viol. Il n’y avait pas besoin de police, d’avocats, de juges. Les marchands étaient peu nombreux.

 

Cette société, principalement composée de bergers, d’agriculteurs, et de petits artisans, s’organisait en une myriade de communautés autogérées et interdépendantes, chacune conservant ses coutumes géographiques. Par commodité, celles-ci se regroupaient sous la bannière des anciens empires. Ici Rome, là, la Chine, les Mayas, Mali, Siam, Vikings, Hyperborée, Japon, Hawaï, Anangu, Maori, etc., etc. La plupart n’excédaient pas la taille d’un petit village, rarement celle d’un bourg. Une poignée de métropoles, de plusieurs centaines de milliers d’habitants, existaient un peu partout sur les cinq continents, résultat des dernières avancées techniques. Partage et affection était la norme, chacun avait un toit, chacun avait à manger. Les changements de chef, en particulier dans les petites localités, étaient fréquents, il suffisait de posséder l’impunité nécessaire, la passivité générale laissait faire. Les déplacements migratoires étaient inhabituels, sinon dans le cas d’exodes de la faim, quand les récoltes avaient été catastrophiques.

 

La longue histoire de souffrance du monde chrétien avait inculqué à ses membres une mentalité fataliste. La mort était courante, la résignation, partie intégrante du mode de pensée. La médecine avançant à pas menu, on hésitait peu à laisser mourir les bébés difformes et maladifs.

 

A la fin de l’ère de l’hostilité, lorsque se stabilisa le calme universel, on constata un retour global a une certaine forme d’animalité. Les danses de séduction prirent des allures de parades nuptiales, il y eu même des duels non mortels entre prétendants et/ou prétendantes. Les avantages qu’offraient l’automatisation du vivant (fourmis-moissonneuses-batteuses, termites d’assemblages, plancto-technologies) augmenta le temps libre, l’oisiveté, multiplia les distractions et les jeux de cruauté. On s’adonnait à la violence physique, sans insulte, sans aller jusqu’au meurtre, juste pour le divertissement. Cela se justifiait par le fait qu’il avait été dit « tu ne tueras point », mais jamais « tu ne casseras jamais la figure » ou « tu ne tortureras pas ». Tant que la vie était préservée, on se permettait toute les extravagances, chevalet, poire d’angoisse, brodequins, estrapade, chat à neuf queue, supplice de la roue, de l’eau, dynamo électrique, scarifications, écrasement des membres, mutilations, tout ce que l’imagination pouvait concevoir.

 

Les arts aussi commencèrent à se complaire dans la représentation de la brutalité. Les gens s’amusaient de ce qui était aux antipodes de leur réalité, car au quotidien, la tranquillité était si concrète, si dense, si pesante, qu’il s’observait une dépersonnalisation des individus, presque un effet de horde. La multitude devenait une entité, une plus grosse organisation, une bête se déplaçant d’une seule pièce dans la direction où elle voulait se rendre. Les désaxés, les détraqués, les sociopathes, les aliénés, les fous dangereux représentaient des spécimens uniques. On les gardait captifs dans des ménageries de verre, pour l’édification des masses.

 

La science parvint jusqu’à l’enregistrement sonore, au cinéma, alors une bourgeoisie apparût. Une bourgeoisie de chanteurs, d’une multitude de métiers voués à ces nouvelles disciplines : machinistes, régisseurs, preneurs de sons, musiciens, électriciens, éclairagistes, publicitaires, promoteurs, imprésarios… des emplois qui étaient le piédestal des chanteurs, des acteurs, des vedettes, des idoles. Naquit chez la majorité des aspirations aux succès. Lorsque l’électronique fut révolutionnée par les circuits en nerfs de sangsues, et que le réseau informatique mondial se tissa grâce aux fibres en toiles d’araignées, le désir de gloire se changea en envie de gloriole.

 

En parallèle, pour échapper au serment de fidélité constitué par le mariage, seul véritable condamnation énoncée par le Sauveur, on supprima purement et simplement ce contrat. Insidieusement, ces changements métamorphosèrent la ferveur en une forme d’égoïsme bienveillant. Ce n’était plus la transcendance qui était recherché, mais un vague idéal esthétique, confondu avec la spiritualité. La paresse intellectuelle n’attendait plus qu’une poussée, et le rationalisme la lui donna, en niant les miracles, qui pourtant avaient été vu même par le colonisateur romain. En moins d’une décennie, les fidèles se firent un dieu de néons, puis de microcircuits.

 

Le baptême restait une institution. La majorité était obtenue avec lui. On était donc impatient de devenir adulte. Après un examen minutieux de sa foi, de sa connaissance de la parole du Seigneur, de ses motivations, on prononçait un serment sur l’honneur, puis on était plongé dans les fonds baptismaux. Il pouvait donc y avoir des adultes de 10 ans, et, plus exceptionnellement, des enfants de 60.

 

Bien sûr, Il y en avait beaucoup, des délaissés, des éconduits, des dupés, des malheureux en amour. Ceux-là se faisaient stériliser, en désespoir de cause, avec la promesse de ne plus éprouver d’attirance, sinon que pour le Fils de l’Homme. Adolphina Hitler, l’arrière-petite-fille du peintre, avait donné de sa personne afin de mettre en place un réseau de camps de stérilisation un peu partout en Europe. Nombreux étaient ceux à s’y rendre, en louant le nom de leur bienfaitrice.

 

L’amour se confondit avec la jouissance. On se livra à bien des paraphilies. Les gens ne devenaient pas plus sots, mais la sottise était plus mise en avant. Les conduites insouciantes étaient encouragées. Le tube de Neill Kirby jr. et Éric Boucher, « Tu bois un coup avec moi Jesus ? » en incita beaucoup à l’alcoolisme le plus frénétique. Le refrain faisait :

 

« Tu bois un coup avec moi Jesus ?

Je ne te vois pas bien clair. 

Tu bois un coup avec moi Jesus ?

Offre donc à ton pote une bonne bière. »

 

Dans les années 5300, Jack Godwin énonça la loi qui porte son nom, à propos des échanges sur internet :

« Plus une discussion en ligne se prolonge, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant l’Amour ou Jésus Christ s’approche de un. »

Depuis, dans un débat, atteindre le point J.Godwin (ou point J) revenait à signifier à son interlocuteur qu’il était temps de revenir à la base des relations interhumaines, basées sur la tendresse et la fraternité mutuelles.

Varg Fenrik vit en ce temps-là. Seul survivant du crash d’un avion-exocet dans les profondeurs d’une forêt de Pomeranie, alors qu’il n’est qu’un nourrisson, il est sauvé, recueilli et élevé par des loups. La civilisation ne le retrouve que treize ans plus tard. La science fait tout son possible pour lui apprendre à marcher, à parler et à lire. Ce n’est qu’au bout de longues années de souffrances que Varg peutrecevoir le baptême, et prendre son destin en main. Il part vers la Kalinagie, s’établit dans la grande ville de Sikaakwa. Il est d’un aspect contrefait, vulgaire et d’une hygiène douteuse. Durant sa captivité, il s’est paluché jusqu’à ce que son sexe tombe. Ensuite, il n’y a jamais plus eu de désir, aucun. Désœuvré, mal à l’aise avec les autres, d’une passivité extrême, au point de laisser tout passer sur lui, comme un rocher sous une cascade, il a décidé de se laisser mourir, sans y parvenir. Une lame de rasoir rouillé en pendentif autour du cou, il s’enferme dans la lecture de tout ce qui lui tombe sous la main…

 

Maintenant, aujourd’hui, il erre dans les rues la nuit. Les hauts bâtiments jettent une ombre spectrale sur ses yeux incandescents. Tapi dans les allées, il attend une personne seule et distraite.

Voici quelqu’un qui s’approche. À sa silhouette, à ses vêtements, à son nez aquilin, il ne fait pas de doute qu’elle est d’origine Shoshone. Varg bondit de sa cachette, l’étrangle par derrière.

-S’il te plait, s’il te plait, s’accordéonne la proie, n’a-t-il pas dit « aime ton prochain comme toi-même ? »

-Mais moi, je me hais, répond le lycanthrope. Il souleve sa dague d’obsidienne

-Et il a dit aussi, poursuit-il, « tu aimeras ton dieu de toute ta pensée, de tout ton cœur, de toute ton âme ». Et mon dieu, c’est Tezcatlipoca, alors je lui offre ce sacrifice !

 

Avec un craquement, la cage thoracique s’ouvre sous les coups de boutoir de l’arme. Les criaillements chétifs de la victime stoppent net quand Varg plonge la main dans la plaie, et dérange ses poumons. Le coeur retiré palpite dans sa main, produit ensuite un claquement lorsque les veines qui l’attachaient sont rompues par la traction bestiale. Il s’enfuit avec sa prise, puis une fois seul, dans une ruelle solitaire, mets le feu à l’organe, en vociférant des cris d’adoration pour son maître obscur. Un frisson de satisfaction le fait trembler.

 

Combien d’autres sont-ils comme lui ?

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Un tour en ville