Histoires Étranges Du Quotidien 8. Les Canards.
Il y avait un chasseur appelé Jean-Louis, qui habitait près d’Orléans, dans le Loiret. Un jour, il s’en alla chasser, mais ne prit rien. Sur le chemin du retour, alors qu’il allait passer un pont qui traversa la Loire, il avisa un couple de fuligule milouin (des canards plongeurs), en train de nager sur le fleuve. Ce n’est jamais bon de tuer hors d’un terrain de chasse, mais Jean-Louis voulait absolue manger du canard, et fit feu sur la paire. Il toucha le mâle, la femelle parti à tire d’ailes vers les fourrés de la rive, et s’y cacha. Le chasseur ramassa l’oiseau, et rentra le cuisiner. Le soir même, il s’en régala.
Cette nuit, il fit un rêve troublant : une femme très belle venait dans sa chambre, jusqu’à à son lit, et se tenant là se mettait à pleurer. Des pleurs si pathétiques qu’ils hérissaient les poils de Jean-Louis. Il lui semblait qu’on lui arrachant les tripes. La femme le récriminait : « Pourquoi l’avez-vous tué ? Quel mal avait-il fait ? Près du fleuve, nous vivions heureux… Vous l’avez assassiné ! Avez-vous seulement conscience de votre cruauté ? De votre méchanceté ? En tuant mon époux, vous m’avez tué aussi, car je ne peux pas vivre sans lui… Je suis venu vous le dire, afin que vous le sachiez. » De nouveau, elle versa des larmes d’amertume… Si amères qu’elles lui rongeaient les os jusqu’à la moelle… Et elle pleura ces phrases :
« Le soir venu, je l’appelais pour qu’il revienne. Pour qu’il revienne dans les fourrés, auprès de moi. Ma tristesse est inexprimable ! »
« Ah, vous pouvez être fier de vous ! Demain, revenez sur ce pont… Et alors vous verrez… Oh oui, vous verrez… » s’exclama t’elle. Et tout en se lamentant, elle se retira.
Quand il se réveilla le matin suivant, Jean-Louis était encore troublé par le souvenir persistant de ce songe. Se rappelant des derniers mots de la femme, il se résolut à retourner sur le pont, afin d’en avoir le coeur net.
Alors il alla sur le pont sur la Loire. Il vit la canne qui nageait. Simultanément, l’oiseau l’aperçu. Mais au lieu de fuir, elle nagea droit vers lui, avec un regard fixe dérangeant. Quand elle fut assez proche, elle s’arrêta, et soudain, s’arracha le ventre à coups de bec, mourant sous les yeux du chasseur
Peu de temps après, Jean-Louis s’engagea dans les commandos de la légion.